FBI
et son nouveau coéquipier dans sa voiture privée. Les deux agents interrogent la jeune femme pendant deux longues heures. La journée est chaude et humide, l’air conditionné de la voiture tourne à fond, le moteur est au bord de la surchauffe. À la fin, le véhicule menaçant de rendre l’âme, Paul Magallanes téléphone au SAC du WFO, qui lui donne l’ordre de continuer l’interrogatoire dans une des suites de l’hôtel le plus proche. Ce sera le Mayflower, un des hauts lieux de l’histoire du FBI : le défunt J. Edgar Hoover et Clyde Tolson y déjeunaient régulièrement.
Grâce à la secrétaire, les agents fédéraux comprennent que le cambriolage a été ordonné par la Maison-Blanche. Mais surtout elle met les agents du FBI en relation avec une de ses collègues responsable du Comité pour la réélection du Président, chargée du financement de la campagne. La deuxième employée du CRP hésite avant de parler. Les agents du FBI lui assurent que rien de ce qu’elle leur dira ne sera rendu public. Elle accepte. Son témoignage est capital pour les agents du FBI : il leur permettra d’arrêter et de faire condamner certains des « hommes du Président ». Les deux agents rédigent leur 302, où ils consignent la déposition du témoin.
Le dimanche suivant, Paul Magallanes prend son brunch et ouvre le Washington Post pour retrouver le contenu de son 302 dans un article signé Woodward et Bernstein. « Je me suis dit : “Oh, mon Dieu ! c’est mon interview !” J’en ai eu, et j’en ai encore, des frissons. » Le téléphone sonne. C’est sa source, qui lui demande :
« Paul, que se passe-t-il ?
– Je n’en sais rien. Je vous jure que la fuite ne vient pas de nous.
– De qui, alors ?
– Peut-être les avocats du Département de la Justice. Ils sont nommés par Nixon et peut-être qu’ils… »
Paul Magallanes s’arrête, frappé par l’absurdité de son raisonnement.
« Vous pouvez imaginer la consternation d’un témoin qui lit ses dépositions dans le journal, commente Magallanes. Mon collègue et moi avons eu beaucoup de mal à la convaincre de continuer à nous informer chaque jour des activités du CRP… »
Les fuites se poursuivent. « Dans le Washington Post , ça n’arrêtait pas. J’ai pensé : je n’ai jamais vu ça de toute ma carrière. Il n’y avait pas seulement mes interviews, mais aussi celles des autres agents. Et tout le monde disait : “Mais que se passe-t-il ? Quelqu’un est en train de compromettre l’enquête !” » Les deux journalistes du Washington Post auteurs des scoops, Woodward et Bernstein, ont baptisé le « quelqu’un » en question d’un pseudonyme emprunté à un film pornographique célèbre à l’époque en raison des poursuites intentées par le FBI : « Gorge Profonde ». Reste à savoir qui se cache derrière Gorge Profonde.
Patrick Gray, le directeur du FBI, pense savoir où se terre la taupe. Par une chaude soirée de juillet 1972, il convoque les vingt-sept agents qui forment l’équipe du Watergate, le SAC et l’ASAC du WFO dans la salle de conférences qui jouxte le sanctuaire du FBI, l’ancien bureau de J. Edgar Hoover. Les agents du FBI se méfient de Patrick Gray : il n’est pas du sérail. Ils se demandent comment quelqu’un venu de l’extérieur va gérer une organisation aussi complexe que le Bureau. Les premières décisions du nouveau Directeur ont été accueillies par les agents avec un soupir de soulagement. Les G-men ne sont plus obligés de porter des chemises blanches, les couleurs sont même encouragées, ils ont le droit de boire du café dans les bureaux et de se laisser pousser la moustache.
Les vingt-sept agents du FBI et leurs chefs ont pris place autour de la table de conférence. Avant qu’ils entrent dans la pièce, le SAC les a mis en garde : « Ne faites rien qui puisse m’embarrasser ou nuire à ma carrière ! » Paul Magallanes n’est pas surpris. Il trouve son SAC très gentil, mais aussi timoré qu’« une vieille femme ». Patrick Gray pénètre dans la salle et l’atmosphère se charge d’électricité. Cheveux courts, droit comme un militaire, il déclare : « Messieurs, hier soir j’ai reçu un appel de Sandy Smith du Time Magazine . Il voulait vérifier certaines informations. Messieurs, les informations en question proviennent de notre enquête. Ce sont des informations du FBI. Quelqu’un les fournit à la presse. Et je veux
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