FBI
n’ayant pu reconnaître le charpentier, Turrou affirme que le dossier est « aussi solide qu’un château de cartes ». Turrou interroge le témoin, qui est certain que Hauptmann n’est pas l’homme à qui il a remis la rançon. Pourtant, lors du procès, le même témoin a reconnu formellement Hauptmann. « Ce procès est une farce ! » accuse Turrou. Hoover n’est pas loin de partager cet avis. Dans un rapport classé secret, il avoue son scepticisme quant à certaines des preuves qui ont servi à faire condamner Hauptmann.
Mais l’image l’emporte sur le reste. La division chargée de façonner celle du Bureau, la « Crime Records », faisait bien son travail dans les années 1930. Aujourd’hui encore, l’affaire Lindbergh figure en bonne place dans la légende du Bureau et, soixante-quinze ans plus tard, les reliques de l’affaire – l’échelle employée lors de l’enlèvement, la chaise électrique qui a servi à l’exécution de Hauptmann – trônent au milieu des expositions commémorant un siècle de victoires du FBI.
Tueurs de gangsters
Washington, juillet 2008. Dernière icône vivante du Bureau des années 1930, Walter Walsh est un homme à part. Ce grand vieillard à la poignée de main exceptionnelle conserve une acuité visuelle rare pour son âge. Jusqu’à il y a peu, il était encore la meilleure gâchette des États-Unis et « coachait » l’équipe olympique américaine, se rendant régulièrement au polygone pour vider quelques chargeurs.
D’aussi loin qu’il se souvienne, Walter Walsh a toujours aimé tirer. Enfant, à la plus grande fureur de sa tante, il adorait dégommer les pinces à linge sur les fils avec des pistolets à bouchons ou à billes ( BB gun ). Avec le temps, son tir est devenu plus précis, et les cibles ont changé. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est à Guadalcanal au sein d’une des troupes de choc des marines ( Edison’s Raider Battalion ) chargées de retarder l’avance japonaise. Un de ses compagnons d’armes se rappelle l’avoir vu abattre un sniper japonais avec son pistolet automatique 45. La cible vivante était à 80 mètres, dissimulée dans la frondaison d’un arbre ; il l’a eu du premier coup. Après un tel exploit, pas étonnant de le retrouver aux premiers Jeux olympiques de l’après-guerre, au sein de l’équipe américaine de tir. Il n’appartenait plus au Bureau : J. Edgar Hoover ne l’aurait jamais autorisé à participer aux compétitions, au nom du sacro-saint esprit de corps.
Au sein du Bureau, Walsh est une légende vivante. On peut le croiser aux déjeuners que d’anciens du FBI organisent dans des brasseries virginiennes. Le 18 juillet 2008, il était une des vedettes de la fête qui rassembla à Washington plus de 2 000 personnes venues célébrer les cent ans du Bureau. Né un an avant le FBI, Walter Walsh est en bonne forme. S’il connaît les problèmes de son grand âge, ceux-ci sont gérables. Le corps a certes du mal à suivre, mais il ne comprend pas pourquoi sa famille lui interdit de conduire une voiture. L’esprit demeure lucide, en dépit de problèmes de chronologie : normal, son horloge est restée bloquée sur les années 1930.
Quand on lui parle de son plus haut fait d’armes, survenu il y a près de quatre-vingts ans dans le Maine, à Bangor, son visage s’illumine et il dit en riant : « Bang-bang, Bangor ! »
À Bangor, on n’a pas oublié l’événement. Une plaque commémore le jour où la grand-rue est devenue rouge sang. De temps à autre, pour la plus grande joie des touristes en goguette, des acteurs en costume rejouent l’OK Corral de Bangor, la dernière grande scène de chasse de G-men au pays des gangsters. Ce jour-là, en octobre 1937, Walter Walsh et ses collègues affrontent la bande d’Al Brady. Al Brady, c’est 200 hold-up, 4 assassinats et diverses évasions. Brady et ses hommes ont été repérés par un employé d’une boutique de sport à qui ils ont passé commande d’une mitraillette. Quand Brady vient chercher sa commande, Walsh occupe la place de l’employé. S’ensuit une fusillade au cours de laquelle, bien que grièvement blessé à la poitrine, le G-man trouve la force d’abattre un des gangsters avant de s’effondrer. Au-dehors, les autres membres de la bande tombent sous les balles des agents fédéraux.
Walter Walsh termine ses études dans l’Amérique du krach boursier et de la prohibition. Les journaux
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