FBI

d’alors prennent volontiers fait et cause pour les criminels et leurs crimes. Au début des années 1930, une vague de violences sans précédent balaie les États-Unis. Chicago est encore la chasse gardée d’un gangster nommé Alfonso Capone, dit Al. Le cœur du public bat pour de nouveaux héros. Ils s’appellent John Dillinger, Alvin Karpis, « Machine Gun » Kelly, « Pretty Boy » Floyd, « Baby Face » Nelson ou « Ma » Barker. Certains voient en eux les Robins des bois d’une Amérique au bord du dépôt de bilan. Ils ne prennent pas aux riches pour donner aux pauvres, mais quand ils dévalisent une banque, il leur arrive de brûler les dossiers hypothécaires qui empoisonnent la vie de millions d’Américains ruinés.
    Le système judiciaire américain est trop complexe et trop dispersé pour réagir avec force et efficacité. Les gangsters se rient des frontières entre États. Les polices locales et d’État n’ont pas autorité pour agir hors de leurs territoires. À la Maison-Blanche, le président Herbert Hoover est dépassé par la crise économique. La victoire de Franklin Roosevelt aux élections de 1932 change la donne. Au début, J. Edgar Hoover a chaud, très chaud, même… Le nouveau Procureur général, Thomas Nash, a juré d’avoir sa tête, et semble bien parti pour l’obtenir. Mais Nash meurt alors qu’il se rend à la cérémonie d’inauguration du nouveau président. Son remplaçant, Homer Cummings, rêve d’une police nationale ; il parle d’un « Scotland Yard à l’américaine », impensable aux États-Unis. Le Procureur général dispose pourtant déjà d’un instrument de lutte, le FBI. De son côté, J. Edgar Hoover attend son heure et ronge son frein. Il réclame l’autorisation d’intervenir face à ce qu’il qualifie de « défi à la loi et à la civilisation tout entière ».
    Le 17 juin 1933, les policiers et agents chargés de conduire le pilleur de banques Frank « Jelly » Nash au pénitencier de Leavenworth tombent dans une embuscade à la gare de Kansas City. Au cours de la fusillade, trois policiers et un agent du Bureau sont tués sans doute accidentellement par un des leurs. Hoover en profite pour réclamer justice. Le Congrès adopte une série de lois qui renforcent la compétence du Bureau dans les dossiers de gangstérisme, et lui accordent plus de moyens financiers. Les agents en service ont désormais le droit de porter des armes. Ils ne vont pas se gêner pour s’en servir…
    Le Bureau remporte sa première victoire en arrêtant George « Machine Gun » Kelly et sa femme, accusés d’avoir enlevé le magnat du pétrole Charles Urschel (libéré contre une rançon de 200 000 dollars). Une arrestation en douceur : en se rendant, le gangster dit aux agents fédéraux : « Je vous attendais. » Mais le public veut du sang. Des publicitaires embauchés par Hoover forgent une autre version et mettent dans la bouche d’un « Machine Gun » Kelly terrifié face aux agents du Bureau ces mots devenus historiques : « Ne tirez pas, G-men ! »
    Le public adore la formule. On bricole une histoire qui tient plus ou moins la route : « G-men » serait une expression en vogue dans le milieu des gangsters pour désigner les « hommes du gouvernement », les Government men . On peut préférer une explication plus exotique, avancée par des historiens : le terme est emprunté aux séparatistes irlandais qui désignaient ainsi les infiltrés du département G de la police de Dublin.
    Walter Walsh rejoint le Bureau en 1934 pour satisfaire son « goût de l’action ». Il rêve de faire des « cartons » sur les gangsters. Tous les agents qu’il connaît sont des tireurs hors pair. En ce temps-là, les G-men ne se posent pas trop de questions avant de se servir de leur arme. Ils tirent un peu comme ils respirent. Comme toutes les jeunes recrues du Bureau, Walter Walsh a droit à un discours paternaliste et à une poignée de main du directeur. J. Edgar Hoover ignore qu’il vient d’embaucher la meilleure gâchette de l’histoire du Bureau.
    Le moment est bien choisi. Le Procureur général, Cummings, vient de créer la super-prison pour gangsters d’Alcatraz. Le 19 avril 1934, il promulgue un programme anti-crime en douze points. Ce programme fait du Bureau une agence dédiée à la lutte contre le crime et les violences sur tout le territoire des États-Unis. Les agents ont enfin le droit de porter des armes