FBI

situation, le FBI doit revoir ses comportements habituels. D’ordinaire, la négociation se double d’une démonstration de force. Dans le cas présent, une occupation militaire du terrain risque fort de se révéler contre-productive. Koresh interprète chaque mouvement tactique comme un pas vers l’Apocalypse qu’il prophétise. « Nous faisons son jeu, expliquent les deux agents ; en reculant, nous lui montrerons qu’il a tort. »
    Le SAC Jamar ne partage pas cette analyse. Pete Smerick s’en va et est remplacé par Greg McCrary. Quand le profileur débarque à Waco, les forces assiégeantes comptent déjà près de 700 agents du FBI, de l’ATF, des douanes, des policiers et militaires placés sous les ordres du SAC Jamar. Jamais dans l’histoire des États-Unis une pareille force n’a été mobilisée pour une opération de maintien de l’ordre. À l’intérieur du hangar, la tension est palpable ; le SAC ne supporte plus la contradiction.
    « J’avais pour mission de poursuivre l’étude de la morphologie de l’esprit de Koresh et celle de la dynamique du groupe, précise Greg McCrary. Je suivais toutes les négociations afin de me faire une idée de l’état d’esprit des assiégés. » Au cours des réunions avec Jeffrey Jamar, le profileur et les autres négociateurs soulignent qu’un affrontement armé serait catastrophique : David Koresh n’hésiterait pas à remettre des armes aux enfants encore présents. « La dernière chose que l’on souhaite, c’est un affrontement armé entre des agents du FBI et des gosses ! » dit McCrary. Mais le SAC n’est pas un homme de discussion. À la menace, il répond par la menace. Quand Koresh hausse le ton, Jamar déploie des blindés Abrams.
    « Pour avoir dirigé pendant des années une équipe d’intervention des SWAT du FBI, je sais qu’on emploie la force non parce qu’on peut le faire, mais parce qu’on doit le faire », explique Greg McCrary qui sait que, contrairement aux autres criminels, David Koresh ne se laissera pas intimider par des chars.
    « Jamar était en phase avec le responsable du HRT, poursuit McCrary. Aucun des deux ne supportait la contradiction. Tous deux concevaient le siège comme un problème tactique impliquant des solutions tactiques. Ils pensaient contraindre les Davidiens à la reddition en faisant pression sur eux. Le HRT venait de réussir un raid à la prison de Talledega, en Alabama, et son chef était sûr de pouvoir régler le problème de cette manière. Il ne tolérait pas l’idée d’une approche plus modérée. »
    Le SAC Jamar traite par le mépris et la dérision ceux de ses agents qui sont favorables à la négociation. Il les confine dans des tâches subalternes, quand il ne les remplace pas purement et simplement. Il les considère comme des « dissidents » et les appelle les « Davidiens ». McCrary est certain que la même chose se passe dans le camp adverse. La tension se répercute au niveau de la base et il n’est pas rare de voir des agents du HRT insulter les négociateurs à l’issue de nuits blanches.
    Après avoir obtenu la libération de vingt-quatre enfants et de quatre adultes, les négociateurs tentent de diviser les Davidiens. David Koresh est un praticien émérite du double discours. Les agents du FBI enregistrent ses propos les plus compromettants et les repassent à certains Davidiens. Les négociateurs du FBI ont parlé à cinquante-trois d’entre eux. Greg McCrary a concentré ses efforts sur le numéro deux de la secte, Steve Schneider, diplômé de l’université de Hawaii en sciences religieuses.
    « Steve, lui dit-il, ta quête spirituelle est noble et louable, mais regarde où tu en es. Tu viens de participer à une fusillade avec des agents fédéraux. Pendant ce temps, un type te dit que tu ne peux plus faire l’amour avec ta femme, mais que lui en a le droit, et il lui fait un enfant alors que vous n’y êtes pas arrivés. Je croyais que la Bible était très claire sur la question de l’adultère. Comment en es-tu arrivé là ? C’est vraiment ce que tu veux ? »
    Greg McCrary lui parle pendant plus de cent heures. À un moment donné, il sent le Davidien sur le point de basculer. Puis ce dernier se reprend. Ce n’était sûrement pas l’existence dont il rêvait, mais Steve Schneider n’arrive pas à se détacher de la secte.
    Courant mars, la situation se tend brusquement. David Koresh se montre de plus en plus réticent à laisser