FBI
l’eau et son adjoint lâche une pièce du moteur, qui coule. Le bateau part à la dérive ; ils sont sauvés par leurs prisonniers. Reste à récupérer la pièce : l’agent se déshabille et plonge plusieurs fois dans les eaux glacées avant de parvenir à la repêcher. Il s’aperçoit que tout le village eskimo est assemblé sur la berge et le regarde avec stupeur. C’est la première fois qu’ils voient un être humain nager !
Après avoir fait le tour des trois villages voisins, l’agent du FBI, son adjoint et une cohorte d’Eskimos vont, par la rivière, rejoindre Bethel. Wallace Estill est bien embêté, car à cette époque il n’y a pas de téléphone à Bethel, donc pas moyen de contacter un procureur fédéral, seul habilité à prendre une décision. Un accord est trouvé : les Eskimos reconnaissent leur culpabilité, s’en sortent avec un blâme, et s’engagent à restituer les marchandises volées à la station météo.
Le prochain vol pour Anchorage n’étant pas prévu avant quatre jours, Wallace Estill a tout loisir d’assister en personne au ballet des petites embarcations eskimos rendant les barils à leur propriétaire légitime. « Les météorologues étaient contents, les Eskimos étaient contents », conclut Estill, qui ne peut s’empêcher de s’interroger sur la nature de son rôle dans ce désert de glace. Il ne va pas tarder à trouver un tout autre sens à sa mission.
Depuis les îles Baffin, on peut voir la Sibérie. Les peuples de la glace ne connaissent ni les frontières ni la guerre froide, et de part et d’autre les tribus américaines et soviétiques sont en contact. Wallace Estill en profite pour rencontrer des Eskimos résidant de l’autre côté du « rideau de fer ». A-t-il monté des opérations d’infiltration ? A-t-il recruté des informateurs ? Soixante ans plus tard, l’agent du FBI préfère rester dans le flou et les brumes polaires. Tout juste reconnaît-il du bout des lèvres avoir rédigé plusieurs rapports sur la famine régnant alors en Union soviétique.
Quittons Wallace Estill et laissons-le rejoindre son nouveau poste, à Douglas, en Arizona, où il est chargé des Indiens Navajos. Pour l’heure, rendons-nous à 5 424 kilomètres d’Anchorage, à New York, où l’agent Jack Danahy nage lui aussi dans des eaux froides, mais plus troubles…
Elisabeth Bentley et les réseaux soviétiques
En mai 1945, quelques jours après la reddition de l’Allemagne nazie, une femme débarque sans s’être fait annoncer au bureau du FBI de New Haven, dans le Connecticut. Elle s’appelle Elizabeth Bentley et dit avoir des révélations importantes à faire au sujet du Parti communiste américain et des réseaux d’espionnage soviétiques aux États-Unis. Les agents du FBI de New Haven ne se sentent pas de taille ; ils demandent du renfort à New York, qui dépêche un spécialiste du Parti communiste, Buddy Buckley. Excellent agent, interrogateur hors pair, Buckley s’aperçoit rapidement que la jeune femme est au cœur d’un réseau d’espionnage soviétique. Ce n’est pas vraiment sa partie. Il appelle New York et réclame un spécialiste du contre-espionnage. Pourquoi pas son ami Jack Danahy, s’il est libre ?
Danahy et Buckley sont des amis de longue date. Avant de rejoindre le FBI, ils étaient tous deux maîtres nageurs à Rockaway, une des plages de Long Island. C’est ainsi que Danahy fait la connaissance de la plus importante transfuge des services soviétiques ayant opéré sur le territoire américain.
Danahy assiste à ses premiers interrogatoires, mais d’autres affaires le mobilisent par ailleurs. L’interrogatoire d’Elizabeth Bentley s’interrompt quelque temps.
Quand il reprend l’affaire, en novembre 1945, Danahy a bouclé ses autres dossiers et peut s’y consacrer à plein temps. Il décortique les comptes rendus d’interrogatoires. Relève les indices, les pistes à suivre. L’organisation révélée par Elizabeth Bentley s’est infiltrée au plus haut niveau du gouvernement et a des ramifications sur tout le continent nord-américain. « On a très vite eu des problèmes dans notre enquête, explique Jack Danahy. Certains des faits dénoncés par Elizabeth Bentley remontaient à 1938. Or le délai de poursuite pour délits d’espionnage en temps de paix était alors de cinq ans. Si les faits avaient eu lieu pendant la guerre, il n’y aurait pas eu de problème, car, dans ce cas, il
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