FBI

du succès de Confession d’un espion nazi  ? A-t-il été agacé par le triomphe d’un film caricatural jusqu’au ridicule ? Il prend ses distances, fait savoir qu’en aucun cas le Bureau ne saurait être associé à la sortie du film de la Warner. Le directeur du FBI interdit à ses agents d’en faire la promotion. En 1954, il obtient que le Congrès vote la loi n˚ 670 accordant au Bureau les moyens de protéger son nom de toute exploitation commerciale indue. Désormais, il est le seul détenteur du copyright FBI. La loi n˚ 670 lui permet d’exercer des pressions sans précédent sur Hollywood. Dans les années qui suivent, plus de six cents projets de livres, de films, de téléfilms ou d’émissions de radio sont soumis à sa censure. Il les jette presque tous à la poubelle. Il corrige sévèrement le reste. Au nom de la loi n˚ 670, il fait disparaître le personnage de l’agent du FBI paresseux de la série phare de CBS, Hawaii Police d’État , il modifie le scénario de la comédie Un pilote dans la lune , et les agents du FBI dépeints de manière peu flatteuse deviennent des hommes de gouvernement. Dans une lettre au SAC de Los Angeles, Walt Disney affirme : « Je ne présenterai jamais [le FBI] autrement que sous un jour favorable, en raison de mon estime pour le Bureau et son directeur8. »
    Pour J. Edgar Hoover, l’événement principal de l’année 1956 n’est pas la réélection du président Eisenhower et de son vice-président Richard Nixon, mais la publication, en décembre, d’un livre intitulé FBI Story . Rédigé par Don Whitehead, plume couronnée d’un double prix Pulitzer, l’ouvrage bénéficie de l’appui du Bureau. La critique s’enflamme, les ventes s’envolent. Le livre est publié en feuilleton dans 170 journaux américains. Un studio d’Hollywood en achète les droits9. Grâce à la loi n˚ 670, J. Edgar Hoover s’empare de la production. Même si son nom ne figure pas au générique et s’il n’en a retiré aucun avantage financier, Hoover devient le véritable producteur exécutif du film. Il en est l’un des héros (il fait une brève apparition dans son propre rôle en compagnie de Clyde Tolson). Il choisit avec soin les épisodes qui le composent (une version tronquée de l’arrestation de Karpis figure en bonne place dans le scénario). On y retrouve certaines des aventures vécues par Wallace Estill (la chasse aux contrebandiers de platine en Amérique latine) ou Jack Danahy (la traque des agents communistes à New York). Hoover impose enfin son choix pour le rôle principal : c’est James Stewart qui jouera le rôle de Chip Hardesty ; le Directeur estime en effet qu’il est le mieux placé pour donner une image positive des agents. Le FBI passe au crible l’équipe du film : des acteurs aux machinistes et aux électriciens, sans oublier l’équipe de production, tout le monde doit être irréprochable. Les communistes, leurs compagnons de route, les repris de justice, leurs comparses, les alcooliques et autres déviants n’ont pas leur place sur le plateau. Deux agents du FBI stationnent en permanence sur le tournage afin de veiller à ce que les instructions de leur patron soient respectées. Le réalisateur Mervyn LeRoy retourne une scène parce qu’un des figurants déplaît au directeur du FBI. Avant la sortie du film, Mervyn LeRoy organise une projection privée au « Siège du Gouvernement » pour J. Edgar Hoover, Clyde Tolson et Cartha DeLoach. « Je n’ai jamais été aussi nerveux de ma vie, reconnaît le réalisateur. Je transpirais comme jamais. Ils ne riaient pas là où il fallait, ils ne réagissaient pas… » Les lumières se rallument, le réalisateur souhaite disparaître sous terre quand Hoover lui fait signe d’approcher, le prend dans ses bras et lui dit : « Mervyn, c’est un des plus beaux boulots que j’aie jamais vus ! » Alors tout le monde s’est mis à applaudir…
    1- Voir Dusko Popov, Spy/Counterspy : The Autobiography of Dusko Popov , New York, Grosset & Dunlap, 1974 ; Russell Miller, Codename Tricycle : The Playboy Double-Agent , Londres, Pimlico, 2005 ; William Stevenson, A Man Called Intrepid , the Secret War , New York, Ballantine, 1976 ; Nigel West, Seven Spies Who Changed the World , Londres, Secker & Warburg, 1991 ; J.C. Masterman, The Double Cross System in the War of 1939 to 1945 , Yale University, 1972.
    2- Peu après, le 16 juin 1942, dans le cadre de la même