Fidel Castro une vie
d’enseignements. Car on observe, à cette occasion, un basculement entre « la vieille garde » communiste et les fidélistes, de longue mais aussi de plus fraîche date. En 1963, la direction des ORI, devenues Pursc, comptait treize ex-M-26, onze ex-PSP et Chomón, du Directoire. Le Comité central du PCC ne compte plus que vingt et un ex-PSP sur quatre-vingt-onze membres. Et aucun « vieux communiste » n’entre au Politburo. La « vieille garde » a bien servi, elle peut passer à la trappe. Parmi les anciens du PSP qui restent au CC, on note que les amis d’université de Castro (Flavio Bravo, Leonel Soto, Alfredo Guevara) sont hissés au niveau des anciens chefs. Seul, de ceux-ci, Blas Roca figure au secrétariat, ainsi que le fidèle Rodríguez. C’estcependant un communiste pur, Isidoro Malmierca, ex-secrétaire des Jeunesses du PSP, qui reçoit la direction de
Granma
, le quotidien du nouveau PCC issu de la fusion de
Revolución
(M-26) et de
Hoy
(PSP).
Granma
(grand-mère) on peut certes juger que, pour un organe révolutionnaire, il y a plus entraînant, mais ce nom est évidemment une référence à l’héroïque débarquement de décembre 1956 à bord du yacht homonyme. Malmierca était pourtant tenu pour un des responsables des excès du « sectarisme », mais il s’est amendé. Sur les soixante-cinq « castristes purs » du Comité central, cinquante sont… des militaires d’active ou prêtés au secteur civil. L’évolution du régime vers un encadrement martial de la société est consacrée. Fidel, est-ce à préciser, est Premier secrétaire, et Raúl numéro 2. Les autres personnalités de relief sont, à une exception près (Dorticós), toutes des anciens de la Moncada ou (et) de la Sierra : les commandants Almeida, Valdés, García et Sergio del Valle, ainsi qu’un civil, Armando Hart. Trois femmes entrent au Comité central : Celia Sánchez, la plus proche du
Lider
, Vilma Espín, épouse de Raúl, et Haydée Santamaría, épouse de Hart. Une affaire de famille !
Présentant le 3 octobre 1965 au peuple la nouvelle structure dirigeante qu’il vient de lui donner, Fidel lit aussi… la lettre d’adieu du Che, datée (par qui ?) du 1 er avril. L’Argentin est alors dans les maquis du Congo mais, hormis le
Lider
, qui le sait ? « J’ai accompli la part de mon devoir qui me liait à la Révolution cubaine sur son territoire et je prends congé de toi, des camarades, de ton peuple qui est désormais le mien, dit ce beau texte. Je renonce formellement à mes charges dans la direction du parti, à mon poste de ministre, à mon grade de commandant, à ma condition de Cubain. Rien de légal ne me lie plus à Cuba, seulement des liens d’une autre nature. »
Le texte ajoute, un peu étrange : « Ma seule faute de quelque gravité est de ne pas avoir eu plus confiance en toi dès les premiers moments dans la Sierra, de n’avoir pas compris assez vite tes qualités de conducteur et de révolutionnaire… Je suis fier de t’avoir suivi sans hésitation. » Et de poursuivre : « D’autres
sierras
du monde réclament la contribution de mes modestes efforts. Je pense faire ce qui t’est refusé par tes responsabilités à la tête de Cuba… Si vient pour moi l’heure décisive sousd’autres cieux, ma dernière pensée sera pour ce peuple et particulièrement pour toi… Je me suis toujours identifié à la politique extérieure de notre Révolution [allusion claire au discours d’Alger] et… je continue de le faire… Je ne laisse aucun bien matériel à mes enfants et à ma femme et je ne le regrette pas, cela me fait plaisir qu’il en soit ainsi… l’État leur donnera ce qui suffit pour vivre et s’éduquer. » Et la conclusion : « Ce n’est pas la peine de barbouiller encore du papier. Jusqu’à la victoire, sans faiblir. La patrie ou la mort. Je t’embrasse avec toute ma ferveur révolutionnaire. Signé : Che. »
La lecture publique de cette lettre fait l’effet d’une bombe. Mais elle soulage Fidel : n’est-il pas, depuis cinq mois, désagréablement soupçonné en Amérique latine ? C’est la CIA qui a d’abord répandu le bruit que le Che a été liquidé, mais la rumeur a trouvé crédit ici et là, et des trotskistes, notamment, l’ont répandue, barbouillant de graffitis insultants pour Castro des murs en Amérique latine, au Brésil notamment. La réponse du
Lider
aux questions qui fusaient était : « Quel que soit l’endroit où se trouve le commandant
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