Fidel Castro une vie
de contenir le tigre ! Un déplacement, l’année suivante, du ministre communiste des Transports Charles Fiterman rappellera que la France a aussi des intérêts économiques à Cuba.
L’été 1983, Claude Cheysson fera la première visite en un quart de siècle d’un ministre des Affaires étrangères français. Arrivé en maugréant, a assuré son entourage : « Que suis-je venu faire dans ce goulag tropical ? », il en repartira, comme tant d’autres, séduit par le personnage Castro qui, après l’avoir fait lanterner, lui a accordé neuf heures d’entretien… L’une des conséquences de cette visite sera la libération d’Armando Valladares, à qui s’était intéressé Mitterrand. Pour Castro, c’est un « terroriste ». De surcroît, jure-t-il, cet « ex-policier batistien », devenu écrivain en prison, est un « simulateur », qui feint d’être handicapé. Aussi son élargissement n’ira-t-il pas sans une flèche de Parthe
: « Régis Debray, venu en visite à Cuba, nous avait fait comprendre que la situation en France était devenuesi intenable que le gouvernement aurait pu tomber à cause de ça », ironisait le
Lider
auprès de l’Italien Mina. Fidel n’obtiendra pas si vite l’invitation à Paris qu’il a rêvée. Le « recentrage » de la politique socialiste à partir de 1983, sa nouvelle tonalité, beaucoup plus amène envers Washington, consterneront le Cubain.
Il reportera ses attentions vers Madrid, capitale moins influente mais chère à son cœur. Son flirt avec le socialiste Felipe González remonte à 1974, année où l’Andalou est devenu un personnage public. La passion du Cubain pour la « terre de [ses] ancêtres » se concrétise par l’escale qu’il improvise à Madrid en 1984, comme il rentre de l’enterrement du secrétaire général du PCUS Andropov à Moscou. Un développement embarrassant pour l’Espagnol. L’arrêt « technique » est devenu déjeuner impromptu avec le Premier ministre. Parlant par téléphone avec le roi Juan Carlos, Fidel l’invite dans sa patrie. Finalement, ce sera Felipe González qui se rendra à Cuba en 1986.
Ayant renoncé à attaquer Cuba, Reagan n’abandonnera pas l’idée de rejeter le marxisme d’Amérique centrale et des petites Antilles. Sa politique pour l’isthme va être fixée le 18 février 1982 : « couper les communications » entre Cuba et le Salvador, via le Nicaragua et « éviter que le Nicaragua ne devienne un nouveau Cuba ». Pour ce faire, les États-Unis, d’abord, s’efforceront de consolider les régimes amis menacés par la subversion. Ainsi des élections conféreront-elles une image plus présentable au chef de la junte de San Salvador, le démocrate-chrétien Duarte. Puis Washington fortifiera ses protégés par son aide militaire. La base d’où opérer la déstabilisation du Nicaragua sera le Honduras. Quelques milliers de
contras
, souvent ex-gardes somozistes, seront baptisés les « combattants de la liberté ». La signature, le 7 août 1987, d’un « Plan de paix » par les cinq pays de l’isthme couronnera les efforts du président costaricain Arias, qui y gagnera le Nobel. Mais les États-Unis en seront irrités car cet acte risquait de consacrer un retrait de leur haute main sur la région. Fidel, à l’inverse, se réjouira de cet aboutissement qu’il a, après l’échec de l’offensive salvadorienne de 1981, appuyé d’appels au « dialogue » et payé par avance du retrait d’une partie de ses conseillers militaires et civils au Nicaragua.
Ronald Reagan, en revanche, a connu une immense satisfaction sur sa « quatrième frontière » – la Caraïbe – avant même la fin de son premier mandat : le coup d’arrêt donné à la révolution de Grenade. Celle-ci avait pris un bon départ, en 1979, décrétant des mesures sociales tout en veillant à ne pas tarir la production. Puis le leader Maurice Bishop avait vite jugulé toute opposition, en appelant même à Castro, au grand dam de Reagan, pour prévenir le retour du tyranneau Eric Gairy. La question de « l’emprise cubaine » sur Grenade s’était focalisée sur la construction d’un aéroport pour longs-courriers dont l’île avait besoin pour développer un tourisme indispensable à son économie chétive. Mais la nouvelle facilité de Pointe Saline ne serait-elle pas utilisée par Castro pour que ses troupes en route vers l’Afrique « gagnent deux mille kilomètres » ? Ce n’était pas, en tout cas, l’avis
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