Fidel Castro une vie
confisquée » de l’île par son pays – d’une visite pontificale dont il juge qu’elle a aidé à « promouvoir la liberté à Cuba », cette société laïque qui était, naguère encore, militante de l’« athéisme ».
Les journalistes du monde entier, nombreux comme jamais depuis longtemps sous ces tropiques, notent que les foules qui se pressent aux cérémonies présidées par Jean-Paul II ne sont pas toutes « ferventes ». « Silence parfait, mais pas d’émotion apparente », juge ainsi l’envoyé du
Monde
. De surcroît, trois cent mille participants, au pays de Fidel, cela paraît peu. Au moins ne croit-on pas que ces fidèles-ci ont été poussés vers la messe !
Il est, en tout cas, une personne qui participe à l’essentiel du programme, très dense, de Jean-Paul II : le chef de l’État cubain. En surveillance ? Tout de même pas ! Plutôt mû par cette passion de tout comprendre qui est dans ses gènes, ne fût-ce que pour mieux fonder ses certitudes. On le voit suivre les cérémonies avec, en main, le livret fourni par la Conférence épiscopale cubaine, organisatrice du voyage. Et il se fait expliquer par le nonce tout ce qui pourrait lui échapper. Ce n’est certes pas la première fois que ses compatriotes le voient en costume (sombre, bien sûr), mais, chez eux, si. Le contraste est donc parfait avec « l’homme en blanc ». Une même fatigue, en revanche, les rapproche, la même maladie peut-être (chez Castro aussi, la CIA a cru déceler un Parkinson) : c’est déjà très net chez le Polonais, à l’état putatif chez le Cubain. Cependant, l’attitude du
Lider
envers le pontife, bien que celui-ci soit tenu pour un des « tombeurs » du communisme en Europe, n’est pas dénuée de respect – comme s’il voyait en lui un reflet, inversé mais géant aussi, de ses luttes en la deuxième moitié d’un XX e siècle finissant. En tout cas, cet homme qui croit tant à la force, mais qui sait aussi que l’idéologie tient les hommes, n’aurait certes pas eu la légèreté de poser la stalinienne question : « Le pape, combien de divisions ? »
Seuls deux incidents, d’un ordre très inégal, seront relevés durant les cinq jours que le pontife a passés à Cuba. À Santiago, l’archevêque, M gr Pedro Meurice, chef de file de cette minorité catholique qui récuse le caractère par trop « pastoral » d’une hiérarchie pas assez ardente à contester la prétention totalitaire durégime, jette un pavé dans la mare jusque-là tranquille d’une visite où certes tout est dit mais en termes peu audibles par tous. Devant Raúl Castro, qui va rester impassible, le prélat fustigera ceux qui ont confondu « la patrie avec un parti, la nation avec le processus historique des dernières décennies, et la culture avec une idéologie ».
L’autre incident est sans lien avec la visite pontificale – quasi grotesque. Lors d’une enquête contre les époux Clinton pour une affaire immobilière dans l’Arkansas, le procureur Starr a entrepris, pour prouver la mauvaise foi du président américain, de joindre au dossier ce qu’il a jugé être l’évidence d’un parjure : le serment fait par Bill Clinton qu’il n’avait pas (eu) de relations sexuelles avec Monica Lewinsky, une stagiaire de la Maison Blanche. Ce qui se disait déjà (et s’avérera avoir été « un contact intime inapproprié » avec la jeune femme) devenait une affaire d’État, avec l’ouverture d’une procédure de destitution du Président. Dès lors, la majorité des centaines de journalistes américains qui « couvraient » le voyage de Jean-Paul II quittèrent précipitamment l’île. On ne sait trop ce que Karol Wojtyla a pensé de cette affaire, mais on peut supposer que Castro en fut plutôt conforté dans sa conviction de la supériorité d’une presse qui « publie très librement ce qu’elle croit convenable d’imprimer » – mais sachant que « nos dizaines de journaux sont tous révolutionnaires ».
Dans les négociations très serrées précédant le voyage, il avait été accordé que « trois cents prisonniers politiques » seraient libérés. En fait, une centaine seulement le seront – d’ailleurs vite remplacés par d’autres, ce qui fait du détenu de conscience cubain une des monnaies de l’île, avec le dollar et le peso. Les commentateurs vont, en majorité, juger que les deux parties ont trouvé leur compte au voyage : l’Église verra confortée sa position
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