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Fidel Castro une vie

Fidel Castro une vie

Titel: Fidel Castro une vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Clerc
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victoire castriste, certes importante en soi, s’est trouvée magnifiée de cette coïncidence : la fuite de Batista et l’entrée des
barbudos
à Santiago le jour du nouvel an. Les manchettes sont pour Cuba. La presse est enthousiaste, il va de soi que « Batista-le-corrompu », « Batista-le-sanguinaire » ait été déboulonné par un jeune « avocat héroïque » et ses guérilleros. L’élan populaire vers les vainqueurs est souligné. On admire cette « révolution idéaliste et allègre ». On aime aussi que, dans son « puritanisme », elle ait eu pour première préoccupation de faire fermer les maisons de jeu qui faisaient de La Havane une « moderne Babylone ». Les anecdotes fourmillent. On raconte ainsi l’épopée de l’acteur américain Errol Flynn, visage bronzé et mince moustache noire, qui s’est trouvé dans l’est de Cuba à temps pour, assure-t-il, faire le coup de feu et, en tout cas, vider quelques bouteilles de whisky en l’honneur de la victoire.
    Les préoccupations affleurent, naturellement. Castro va-t-il défier les États-Unis ? Procéder à des nationalisations ? On observe la prudente entrée dans le jeu des communistes. C’est sur le thème de la répression contre les sbires du régime déchu que s’altère l’idylle entre la Révolution et les États-Unis.
    Les fusillades, à vrai dire, ont commencé avant l’entrée de Castro à La Havane. L’une des premières victimes d’un de ces actes de justice sommaire est le colonel Cornelio Rojas,chef de la police de Santa Clara : il est exécuté sur-le-champ le 1 er janvier. Dans cet Oriente où les sicaires de la dictature se sont déchaînés, la répression, avec Raúl aux commandes, sera prompte et dure. Un journal de Santiago publie les photos de soixante et onze hommes – mouchards, tortionnaires, policiers, « Tigres » de Masferrer – tout juste exécutés. Ils ont été alignés par groupes de six devant une tranchée et fauchés à la mitrailleuse ; puis leurs cadavres seront recouverts de terre par un bulldozer. Nul ne conteste que la fureur populaire, qui désigne les victimes, s’exerce à bon escient : ainsi de la mort du chef de la police de Santiago, le colonel Haza, qui avait eu l’impudeur de paraître au balcon de la mairie le soir du 1 er janvier, aux côtés de Castro.
    Dans les premières heures, ce sont des cours martiales composées de « rebelles » qui prononcent les sentences, immédiatement applicables. Puis des tribunaux spéciaux sont créés : une notabilité du lieu figure parmi les juges ; un avocat commis d’office peut s’y faire entendre ; la mise en œuvre du jugement est différée, ce qui permet de rattraper une erreur comparable à celle dont a été victime le docteur Rafael Escalona, exécuté « par méprise ». La population est ardente à demander la mise à mort des bourreaux. Fidel a toujours proclamé qu’il n’y aurait pas de pitié pour eux.
    Dans les quelques heures de la victoire, l’hebdomadaire
Bohemia
lance un chiffre : la guerre civile a fait vingt mille morts. C’est incontrôlable à ce moment-là, il y a des préoccupations plus pressantes. On retrouvera, durant les premières semaines, quelques charniers qui vont confirmer la férocité des batistiens. Dès lors, vingt mille morts devient le chiffre officiel, incontestable, sacré. Ces vingt mille, par un glissement ordinaire, sont tous des victimes du précédent régime : des torturés, des fusillés. Quel historien ira voir de près ? Núñez Jiménez, dont le
En marche avec Fidel
est un hymne au héros ? Donc vingt mille morts ! Face à quoi on ne peut que mettre les éléments fournis par le colonel Barquín dans son livre
Les Luttes de guérilla à Cuba
(1975). Pour lui, il y a eu un peu plus de mille morts – sept cents dans l’opposition et près de quatre cents chez les batistiens. La plupart seraient tombés dans les combats de la Sierra ou de l’Escambray, ainsi qu’à la bataillefinale de Santa Clara. La répression de la grève du 9 avril 1958 aurait, à elle seule, coûté la vie à cent cinquante personnes, et celle de la mutinerie de Cienfuegos, deux cents. Le nombre des exécutions sommaires, presque toutes le fait des batistiens, serait de près de trois cents.
    L’opinion américaine s’émeut très vite de la répression fidéliste. Des libéraux authentiques, tel, le 12 janvier, le sénateur démocrate Wayne Morse, s’élèvent contre ces pratiques sommaires. Les plus hostiles

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