Fidel Castro une vie
Alexander Alexeiev, qui deviendra le deuxième ambassadeur de Moscou à La Havane, rencontre Castro dans l’île en octobre. Ces contacts aboutiront à la visite du vice-Premier ministre Mikoyan, en février 1960.
Une mécanique est donc en marche un an après la victoire. Inexorable ? Certains veulent croire que non. Le X e Congrès de la CTC (Confédération des travailleurs cubains), à la mi-novembre, enregistre une défaite des communistes face aux sympathisants du M-26. Les gens du PSP sont conspués. Castro, appelé à la rescousse, tranche en faveur de « l’unité » – leur mot d’ordre. Rien n’y fait, les communistes ne passent pas. Un compromis est trouvé : on écarte de la liste unique pour le comité exécutif tant les membres avérés du PSP que les anticommunistes durs ; les vainqueurs sont des bureaucrates souples. Alors, vouée au communisme, Cuba ? Bien sûr que non ! Le 9 novembre, un million de personnes se réunissent à La Havane autour de la très vénérée statue de la Vierge du Cuivre, exceptionnellement transportée par avion de la province d’Oriente. L’occasion est le premier congrès catholique de l’île : même Fidel n’a jamais autant rassemblé. Lui-même assiste à la messe, dite par M gr Pérez Serántes. Une motion est adoptée, demandant le respect de la liberté et de la propriété. « Nous voulons l’amélioration du sort des travailleurs, lance un orateur, non le communisme. » Fidel, conciliant, fait un de ses rapprochements favoris entre sentiment religieux et foi révolutionnaire : « Le Christ n’a pas été chercher douze propriétaires terriens pour en faire ses apôtres, mais bien douze pauvres pécheurs. »
Pourtant, le 26 novembre, il remanie le ministère, conséquence logique des journées d’octobre et de l’affaire Matos, quiont divisé le gouvernement. Ce ne sont plus seulement, cette fois, des libéraux qui font place à plus durs qu’eux : des fidélistes de la première heure eux-mêmes sont exclus, tel Faustino Pérez, compagnon depuis 1955, expéditionnaire du
Granma
, qui a défendu Matos et que Raúl voulait faire fusiller – un réflexe premier chez lui ! Quant à Manuel Ray, l’héroïque chef des groupes d’action clandestins de La Havane en 1958, il est remplacé aux Travaux publics par l’architecte Osmany Cienfuegos, dont le principal titre de gloire, à ce moment, est d’être le frère de Camilo. Osmany, ex-membre des Jeunesses communistes, est un marxiste convaincu. Et, ce même 26 novembre, Guevara devient… président de la Banque nationale, en remplacement de l’économiste Pazos. Il limite aussitôt les sorties de dollars et les attributions de devises pour les importations. Bientôt, on verra des pesos signés
Che
, tout simplement !
À de minimes exceptions près, les barbus occupent désormais tous les postes clés. La conclusion de cette année 1959 ? C’est, le 16 décembre, une vive mise en garde de Fidel contre les « impérialistes » et leurs « complices » dans l’île : les « classes possédantes », « celles qui jouent au bridge, achètent des parfums français et voyagent à l’étranger ». Le 22 décembre, une « loi constitutionnelle » permet de confisquer les biens des « personnes ayant émigré ou conspirant contre la Révolution ». « En 1960, il faudra défendre la Révolution les armes à la main », annonce Castro.
Deux mouvements parcourent l’an II du régime que dirige Fidel. C’est d’abord l’assaut donné aux centres de pouvoir demeurés indépendants ou presque : syndicats, presse, université, barreau, Église. 1960 sera aussi l’année de la nationalisation et de l’étatisation quasi complète de l’économie. Le « commandant » scande ce temps de longs discours devant des foules joyeuses. Mais aussi, il se met à la tête des miliciens qui traquent les
contras
, comme on ne disait pas encore, dans la Sierra de l’Escambray.
L’assaut contre les centres de pouvoir indépendants est mené de façon à apparaître comme une réaction aux mouvements de ceux qui sont désormais dénommés « les traîtres », « les vendus », « les ennemis » : les opposants. Les syndicats sont la premièrecible de la normalisation. Cette priorité s’explique par le fait que le congrès de la CTC a montré l’ampleur de la résistance au noyautage du PSP, dont Castro a sans doute déjà décidé de faire son instrument. Le secrétaire général reconduit, le fidéliste modéré
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