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Fiora et le Pape

Fiora et le Pape

Titel: Fiora et le Pape Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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crut voir filtrer un éclair bleu.
    Soufflant
et bougonnant, Sixte IV vint se placer en face d’eux, prit leurs mains et
commença à marmotter les paroles sacramentelles dont il était à peu près impossible
de comprendre un traître mot. Visiblement, il avait hâte d’en finir et
expédiait la cérémonie. Fiora n’écoutait pas. Elle répondit un « je le
veux » à peine audible lorsqu’il lui demanda son assentiment mais, quand
il mit sa main dans celle de Carlo, elle sentit nettement que les doigts du
garçon serraient doucement les siens. Elle le regarda, mais il avait déjà
repris son air absent et semblait contempler assidûment l’un des anges replets
et bouclés qui jouaient du luth derrière l’autel.
     
    Pour
donner un semblant de solennité à l’événement, Fiora et son nouvel époux furent
conduits en cortège et à la lumière de nombreuses torches à travers le Borgo,
jusqu’à la demeure de Francesco Pazzi où ils allaient habiter en attendant que
le pape tienne la promesse faite à la jeune femme. Ce n’était pas vraiment un
palais : tout au plus une grosse maison forte qui ressemblait davantage au
coffre d’un banquier qu’à une habitation de plaisance, mais l’intérieur en
était suffisamment luxueux pour contenter l’insatiable appétit de gloriole et
de faste de Hieronyma qui y jouait le rôle de maîtresse de maison.
    Néanmoins,
ce fut Francesco Pazzi qui en fit les honneurs à sa nouvelle nièce. Il semblait
extraordinairement joyeux, tout à coup, ce qui était inhabituel chez une nature
aussi sombre et vindicative que la sienne. Écartant Carlo qui ne parut pas même
s’en apercevoir, il offrit la main à Fiora pour lui faire franchir le seuil de
sa maison et la mena lui-même jusqu’à une grande salle où était préparée une
riche collation. Auprès des vins les plus doux se trouvaient toutes les
pâtisseries, toutes les confiseries susceptibles de tenter l’appétit d’une
jeune femme.
    Hieronyma
qui, semble-t-il, n’était pas au courant, regarda la longue table avec une
stupéfaction vite mêlée de colère :
    – Qu’est-ce
que cela ? Je n’ai rien ordonné de tel !
    – Non.
C’est moi et tu m’accorderas, j’espère, le droit de donner des ordres dans ma
maison !
    – Mais
pourquoi ? Pourquoi ?
    – J’accueille,
ce soir, celle qui est certainement la plus jolie femme de Florence, celle qui
en sera demain la reine... et elle est à présent ma nièce. Il convient de fêter
un si joyeux événement.
    Il
emplit lui-même une coupe de malvoisie et, plongeant son regard dans celui de
Fiora, il y trempa ses lèvres avant de la lui offrir, pour bien montrer qu’elle
n’avait pas à craindre le poison, puis en prit une pour lui-même et l’éleva :
    – Je
bois à ta beauté, Fiora, et à ta bienvenue dans ma maison qui sera désormais la
tienne comme je serai, moi-même, ton ami et... ton protecteur, ajouta-t-il avec
un coup d’œil à Hieronyma qui fronçait les sourcils devant cette situation qu’elle
n’avait pas prévue :
    – Qu’est-ce
qui te prend ? Je croyais que tu la haïssais ?
    – Je
haïssais son père, mais peut-on haïr une fleur ? Celle-ci n’était encore
qu’une promesse, lorsque j’ai quitté Florence où la beauté de Simonetta
rayonnait sur toutes choses. Or, je n’ai pu avoir Simonetta.
    – Et
tu penses avoir celle-ci ? Ce n’est pas toi qu’elle vient d’épouser ?
    Francesco
se tourna vers son neveu qui, comme s’il n’était concerné en rien, picorait
dans les plats tout en dégustant avec une visible satisfaction du vin d’Espagne.
    – Crois-tu
vraiment qu’elle vient d’épouser quelqu’un ?
    Se
souvenant de l’étrange éclair bleu et de la pression légère d’une main, Fiora
pensa qu’il était temps de se mêler à la conversation. Jusque-là, elle s’était
contentée d’apprécier à sa juste valeur la semi-dispute qui opposait ses
ennemis. Exploiter la convoitise que Pazzi ne se donnait même pas la peine de
déguiser pouvait être de bonne guerre et, après avoir bu à la coupe qu’il lui
avait offerte, elle lui sourit avec une grâce qui fit briller les yeux de l’homme.
    – Merci
à toi de m’accueillir ainsi, mon oncle. Je suis heureuse de constater que je
compte au moins un ami dans cette maison et je suis certaine à présent que l’avenir
nous réserve d’heureux moments, mais il ne convient pas que je néglige celui
qui est devenu, ce soir, mon époux.

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