Fiora et le roi de France
à
pleurer un prince dont certains considèrent la mort comme une délivrance, libre
à lui ! Mais vous, vous êtes jeune... belle pour peu que vous cessiez de
faire l’imbécile, et vous avez toute une vie devant vous. Si vous écoutiez un
peu ce que Battista peut vous dire de sa part ?
– Vous
lui avez parlé, Battista ? Vous l’avez vu ?
– Je
l’ai vu. Je lui ai parlé... mais je ne vous dirai rien tant que vous n’aurez
pas absorbé quelque chose d’un peu consistant ! déclara le page, fermement
décidé à suivre le chemin ouvert par dame Nicole.
– Vous
tenez vraiment à m’obliger à vivre ?
– Essentiellement !
Alors mangez ! Ensuite, nous parlerons.
Soutenue
par un Florent débordant de pitié et qui, ne sachant trop de quel côté se
ranger, avait choisi de garder le silence, Fiora mangea quelques cuillerées d’une
panade sucrée au miel dans laquelle Nicole avait battu deux jaunes d’œuf, but
quelques gorgées d’un vin de Nuits singulièrement chaleureux, grignota deux
abricots confits et se laissa retomber sur ses oreillers, à bout de forces. Un
peu de rose fardait à présent ses joues :
– Je
vous ai obéi, soupira-t-elle. Parlez, à présent, Battista !
Élaguant
de son mieux ce qui ne pouvait être entendu, le jeune homme restitua le dernier
message de Philippe et conclut :
– Il
faut lui obéir, donna Fiora, mais, surtout, il faut penser à vous et à l’enfant !
Dieu m’est témoin que je garde à votre époux un respect et une admiration
absolus, mais c’est un homme d’un autre âge et vous vous êtes jeune. Vous devez
vivre ! Tant de beaux jours peuvent encore fleurir sous vos pas !
Un
moment, Fiora garda le silence, écoutant résonner en elle l’écho des sages
paroles de son ancien page. Puis :
– Quel
conseil me donnez-vous, alors ?
– D’abord,
celui de rentrer chez vous. Si généreuse que soit l’hospitalité de dame Nicole,
vous ne guérirez jamais chez elle ! Vous êtes trop près... de lui. Partez !
Quand vous serez loin, vous redeviendrez vous-même et c’est tout ce que nous
souhaitons, nous qui sommes autour de vous dans cette pièce.
Pour
la première fois, un faible sourire détendit les lèvres blanches :
– Vous
devriez être déjà loin, Battista ! Ce n’est pas pour vous occuper de moi
que je vous ai conjuré de quitter votre prieuré.
– Je
sais, mais je ne vous abandonnerai qu’une fois en route pour votre manoir de
Touraine.
Du
regard, la jeune femme embrassa les trois visages anxieux qui entouraient son
lit et chercha la main de dame Nicole pour l’attirer à elle :
– Vous
êtes de terribles amis ! soupira-t-elle. Mais je ne remercierai jamais
assez le ciel de vous avoir rencontrés...
Deux
jours plus tard, après avoir remercié chaudement les Marqueiz de leur
hospitalité comme de leur amitié, Fiora et ses deux compagnons quittaient
Nancy. Les garçons s’étant opposés avec la dernière fermeté à ce que leur
compagne effectuât une ultime visite à la collégiale Saint-Georges, on
contourna les halles pour rejoindre, par la rue du Four Sacré, le Palais ducal
et la longue rue Neuve que terminait la porte de la Craffe. Courageusement,
Fiora s’imposa de ne pas tourner la tête quand on franchit le Fossé aux Chevaux
sur lequel donnaient les murs du prieuré Notre-Dame. Il fallait qu’elle essaie
d’oublier Philippe, même si elle savait que c’était impossible, mais elle
pensait qu’avec le temps, l’image si chère et si cruelle consentirait peut-être
à s’estomper.
Renseignés
par Georges Marqueiz qui avait beaucoup voyagé, les trois compagnons devaient
faire route commune jusqu’à Joinville, où leurs chemins divergeaient. Battista,
rééquipé et nanti d’une bourse suffisante pour rejoindre Rome, piquerait vers
le sud et, par Chaumont, Langres, Dijon, Lyon et la vallée du Rhône, irait s’embarquer
à Marseille. Fiora et Florent prendraient vers l’ouest et, par Troyes, Sens,
Montargis et Orléans, retrouveraient le grand chemin de la Loire qu’ils
connaissaient bien.
Pour
ne pas trop fatiguer Fiora, à peine remise de son jeûne volontaire, on mit deux
jours pour parcourir les vingt-quatre lieues séparant la capitale lorraine des
coteaux de Joinville. Les grandes pluies avaient cessé et le temps, s’il n’était
pas rayonnant, était presque agréable.
– Vous
allez retrouver la mer bleue et le soleil de Rome, soupira Fiora quand, au pied
du
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