Fiora et le roi de France
l’aurais jamais cru de vous...
Un
instant plus tard, Léonarde était assise auprès d’elle sur la pierre de l’âtre
et l’entourait de ses bras pour l’obliger à poser sa tête sur son épaule :
– Je
sais bien que je vous fais mal, mon agneau, mais c’est que je voudrais vous
éviter de nouvelles souffrances. Ce mariage, jusqu’à présent, vous a valu bien
peu de bonheur et vous avez charge d’âmes. Où qu’il soit, laissez donc à votre
époux l’initiative ! Vous lui aviez demandé, comme une preuve d’amour, de
venir jusqu’à vous ? Eh bien, attendez qu’il vienne !
– Et
s’il est au bout du monde ?
– Cela
ne change rien : attendez qu’il revienne du bout du monde ! Tenez !
j’entends les mules et voilà nos gens qui arrivent du marché. Allez vous
débarrasser de ces cendres où vous êtes assise depuis un moment et faire un peu
toilette ! Vous êtes assez jeune pour pouvoir vous accorder quelques
semaines de tranquillité. Attendez que le roi vous donne des nouvelles... s’il
lui en vient.
– Soit !
Je veux bien attendre, chère Léonarde, mais pas trop longtemps !
– Que
ferez-vous donc, alors ?
– Je
crois que, d’abord... j’irai à Selongey. Peut-être Philippe s’y cache-t-il sans
que les gens du roi le sachent. Ensuite, si vraiment il n’y est pas... j’irai
voir la duchesse Marie. Je ne pense pas que les espions du roi aient eu la
possibilité de lui poser des questions. Mais moi, je suis la femme de Philippe,
et elle me répondra.
– Autrement
dit, le roi ne vous a pas convaincue ?
– De
la profondeur de ses recherches ? Sûrement pas ! Et puis, vous
admettrez que j’ai, moi sa femme, plus de chances de le faire sortir de sa
cachette...
Léonarde
se contenta de marmonner quelque chose qui, à la rigueur, pouvait passer pour
une approbation. Elle avait repris dans sa poche la pomme entamée et s’efforçait
à nouveau d’y planter les dents. L’opération se révélant aussi douloureuse que
la première fois, elle envoya d’un geste plein de rancune le fruit entamé aux
flammes de la cheminée d’où monta bientôt une fine odeur de pomme cuite et de
caramel. Pendant ce temps, la cuisine s’emplissait de bruit et de gaieté :
Péronnelle, Khatoun et Florent revenaient du marché.
Ce
même jour, dans l’après-midi, comme Fiora se disposait à partir pour une visite
au prieuré Saint-Côme avec son fils, Léonarde et Khatoun, l’allée de vieux
chênes s’emplit d’une troupe de cavaliers entourant une litière qu’elle
reconnut au premier coup d’œil, mais sans aucun plaisir. Que venait faire chez
elle le cardinal della Rovere ?
Néanmoins
il était là, et il convenait de l’accueillir courtoisement. Aussi, remettant le
bébé aux bras empressés de Khatoun, Fiora s’avança-t-elle vers le lourd
véhicule qui décrivait sur le gravier une courbe pleine de majesté avant de s’arrêter
devant l’entrée de la maison. Elle s’agenouilla quand le prélat mit pied à
terre, et posa ses lèvres sur le saphir qu’il leur tendait.
– Ma
modeste maison est grandement honorée, Monseigneur, de recevoir Votre Grandeur !
– La
maison est charmante et je viens seulement en voisin. Alors, laissons de côté
un protocole excessif et dites seulement Monseigneur, fit-il en toute
simplicité.
Soudain
il aperçut les mules harnachées auprès desquelles se tenait Florent :
– Je
vous dérange peut-être ? Vous alliez sortir ?
– Nous
pensions simplement nous rendre au prieuré dont vous voyez là-bas la flèche d’église,
Monseigneur. Mais puisque l’Eglise vient à nous... Veuillez prendre la peine d’entrer.
Tandis
que Fiora précédait l’hôte inattendu vers la grande salle, Péronnelle préparait
une collation pour le cardinal, cependant que son époux installait l’escorte à
l’ombre du petit bois et annonçait qu’il allait leur servir à boire. Ce qui fut
accueilli avec satisfaction.
A l’invitation
de son hôtesse, della Rovere prit place au coin de la cheminée dans laquelle,
hiver comme été, sauf dans les temps de canicule, Péronnelle entretenait au
moins un feu de quelques branches de pin pour lutter contre l’humidité
habituelle aux demeures bâties près de la Loire. Mais les fenêtres largement
ouvertes laissaient voir le jardin abondamment fleuri dont un prolongement,
sous forme d’un grand bouquet de lis et de roses mêlés de feuillage, couronnait
une crédence et
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