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Fiora et le roi de France

Fiora et le roi de France

Titel: Fiora et le roi de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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que chaque moine se devait de
travailler. Une grande bibliothèque, des dortoirs, des réfectoires, des caves,
une boulangerie, des pressoirs, des ateliers, des moulins, des magasins à bois,
un hôpital et même une prison, massés autour de la haute église gothique où
reposait pour l’éternité le pape fondateur, composaient la plus vaste
chartreuse de tout le royaume de France.
    Dès l’arrivée,
Mortimer demanda l’hospitalité pour son jeune compagnon et pour lui-même. Il se
fit reconnaître comme officier au service du roi et, en même temps, réclama la
faveur d’un entretien particulier avec le dom prieur, faveur qui ne lui eût
peut-être pas été accordée, dans un délai assez bref tout au moins, s’il n’eût
appartenu à l’entourage du souverain. A Fiora, un peu gênée de s’abriter sous
un mensonge, Mortimer expliqua que cela simplifierait les choses, lui éviterait
d’être parquée avec les pèlerines de passage et lui permettrait de franchir
plus facilement la clôture, chose indispensable si le rescapé était installé
dans les bâtiments conventuels proprement dits.
    – Au
lieu d’être Mme de Selongey vous serez le frère de messire Philippe...
disons... le chevalier Antoine ?
    – Vous
avez une belle imagination, mais n’allons-nous pas commettre une faute grave ?
Si le roi apprenait...
    – Il
ne le supporterait sûrement pas, dévot comme il l’est, mais voulez-vous me dire
comment il pourrait apprendre la brève visite de deux voyageurs dans un couvent
de chartreux perdu au bout du royaume ?
    – Et
si c’est bien Philippe ? S’il me reconnaît ?
    – Nous
n’aurons plus qu’à nous confesser et à demander humblement pardon. Le seul
risque serait que l’on nous imposât comme pénitence le pèlerinage de
Compostelle...
     
    En
dépit de son extrême fatigue, Fiora, logée bien heureusement seule dans une
chambrette de l’hôtellerie celle-ci était loin d’être remplie – ne réussit pas
à trouver le sommeil. Le calme était profond, cependant, et la nuit qui entrait
par l’étroite fenêtre paraissait faite de velours bleu sombre piqueté d’argent,
mais l’esprit inquiet de Fiora lui interdisait de trouver le moindre repos.
Elle resta des heures étendue, l’oreille au guet, épiant les menus bruits de la
campagne et de la chartreuse, comptant les heures à mesure que lui parvenait l’écho
lointain des offices nocturnes. La pensée que Philippe était peut-être là, à
quelques pas d’elle, dans l’un de ces nombreux bâtiments silencieux, lui
mettait la fièvre dans le sang et il lui semblait que cette nuit n’aurait pas
de fin... Et puis, il faisait très chaud dans sa chambre. L’hôtellerie se
trouvait près des cuisines et de la boulangerie dont les feux, même assoupis,
pénétraient l’épaisseur des murs, et Fiora regrettait d’avoir accepté de passer
la nuit dans ce couvent. Il eût été cent fois préférable de dormir à la belle
étoile, sous un arbre ou à l’abri d’un rocher plutôt que dans cette boîte
étouffante, mais elle avait espéré que le dom prieur les recevrait le soir
même...
    Quand
Mortimer vint l’éveiller, elle venait de sombrer enfin dans un lourd sommeil
et, en découvrant ses paupières gonflées et ses joues pâlies par la veille, il
se montra fort mécontent.
    – Ce
n’est tout de même pas de ma faute si je n’ai pas réussi à dormir ! riposta-t-elle
avec mauvaise humeur.
    – Aussi
n’est-ce pas à vous que j’en ai, mais à moi. J’aurais dû vous laisser dans
quelque auberge et, ici, il s’en trouve au moins une fort agréable, puis venir
tout seul. Je vais demander qu’on vous apporte de l’eau fraîche pour que vous
fassiez toilette, puis vous me rejoindrez dans la salle où vous vous
restaurerez. Vous avez le temps ! Le révérendissime abbé nous recevra
après la messe.
    Une
heure plus tard, Fiora, lavée à grande eau, brossée, aucun cheveu ne dépassant
de son chaperon, suivait en compagnie de l’Ecossais le frère convers chargé de
les conduire au logis du dom prieur qui ouvrait sur la petite place de l’église.
Chemin faisant, elle ne pouvait s’empêcher de regarder autour d’elle, épiant
chaque silhouette aperçue, mais aucune ne ressemblait à celle qu’elle
attendait.
    En
mettant un genou en terre devant le dignitaire suprême de la chartreuse, elle
retrouva l’impression pénible ressentie quand Mortimer avait décidé qu’elle
garderait son

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