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Fiora et le roi de France

Fiora et le roi de France

Titel: Fiora et le roi de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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déguisement. Le dom prieur n’était pas un homme imposant, mais,
avec sa robe de bure blanche ceinte d’une corde, son crâne strictement tonsuré
où les cheveux gris ne formaient plus qu’une étroite couronne évoquant l’auréole,
son visage maigre et tanné qui semblait taillé dans un vieux bois d’olivier, il
ressemblait à l’un de ces saints ou de ces prophètes dont les statues rigides
peuplaient églises et chapelles. Surtout, jaillie de l’ombre des sourcils, la
double flamme d’un regard bleu qui semblait la transpercer jusqu’à l’âme acheva
de faire perdre contenance à la jeune femme.
    Incapable
d’articuler une parole, elle accepta le tabouret qu’on lui désignait et laissa
Mortimer expliquer ce qui les amenait. Quand il eut fini, le dom prieur laissa
le silence envahir la petite salle austère où il les recevait et le regard bleu
revint se poser sur Fiora qui ne put s’empêcher de rougir. Une angoisse lui
nouait la gorge et des pleurs montaient à ses yeux, car, telle qu’elle venait d’être
racontée par l’Ecossais, cette histoire de sauvetage et d’homme privé de
mémoire lui semblait à présent absurde.
    – Il
s’agit sans doute d’une... légende, fit-elle d’une voix enrouée qui allait bien
avec son personnage, d’une histoire comme aiment à en colporter... les bonnes
gens ?
    – Faites-vous
si peu crédit à la parole de Monseigneur della Rovere, mon fils ? Il n’a
dit que la vérité...
    – La
vérité ?
    – Mais
oui. L’an passé, aux vigiles de Noël, nos frères pêcheurs ont, en effet, amené
ici un homme trouvé dans une barque venue s’échouer dans les roseaux. Cet
homme, dévoré de fièvre, semblait parvenu au dernier degré de la résistance
humaine... Nous avons réussi à le ramener à la vie après beaucoup d’efforts,
mais quand il a repris connaissance, nous avons constaté que son esprit n’avait
rien conservé du passé... Les épreuves subies avaient peut-être dépassé les
limites de ses forces...
    – Pardonnez-moi,
Votre Révérence, fit Mortimer avec respect, ne parlait-il plus ?
    – Si,
mais très peu. Quelques paroles au plus et, quand nous l’avons interrogé, il n’a
rien pu nous répondre...
    – Est-ce
que... est-ce que nous pourrions le voir ? pria timidement Fiora incapable
d’y résister plus longtemps. Le regard bleu revint vers son visage et elle crut
y lire une sorte de compassion.
    – Non.
C’est impossible.
    – Il
est... mort ?
    – Non.
Il est parti.
    – Parti ?
Mais quand ? Comment ?
    La
main de Mortimer se posa sur son bras et le serra pour inciter la jeune femme à
plus de prudence, mais la voix du dom prieur, profonde et douce, ne marqua
aucune impatience devant ce manquement aux convenances.
    – Au
mois de mai dernier, pour la fête des Rogations [xi] , les grandes
prières publiques traditionnelles ont attiré dans cette ville plus de monde que
de coutume. Au début du printemps, le fleuve avait inondé une partie de
Villeneuve et des terres alentour et il s’agissait de demander à Dieu, plus
instamment que jamais, de protéger les récoltes à venir. En même temps, de
nombreux pèlerins en route pour la Galice ont franchi notre pont Saint-Bénézet
et l’hôtellerie de cette maison, comme celle de nos frères bénédictins de
Saint-André, dans la citadelle, se sont trouvées débordées. Cela a été comme
une grande vague et, quand la vague s’est retirée, celui que, faute d’un autre nom,
nous appelions frère Innocent avait disparu avec elle... Nous ne savons pas ce
qu’il est devenu.
    – Parti !
    Une
telle douleur s’inscrivit sur le visage de Fiora que le prieur, se penchant
vers elle, toucha sa main du bout de ses doigts.
    – Ne
laissez pas le chagrin vous envahir ! Après tout, rien ne dit que ce
malheureux est celui que vous cherchez ?
    – Votre
Révérence consentirait-elle à nous le décrire ? demanda Mortimer pour
venir au secours de son amie.
    – Nous
nous attachons peu à l’aspect physique des hommes, mon fils. Que puis-je vous
dire ? Il était grand, le cheveu brun, et pouvait être âgé de trente-cinq
ans. Nous pensions qu’il avait dû être soldat car son corps portait plusieurs
cicatrices, à ce que l’on m’a dit. Mais je peux faire chercher le frère
infirmier. Peut-être vous en dira-t-il davantage ?
    Comme
les autres frères convers, l’infirmier n’était pas tenu par la règle du silence
qui était celle des chartreux, et

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