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Fiora et le roi de France

Fiora et le roi de France

Titel: Fiora et le roi de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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il eût été capable à lui seul de parler
autant que le couvent entier. En outre, il semblait avoir voué une sorte d’amitié
à l’inconnu. Si la crainte respectueuse que lui inspirait le dom prieur ne l’avait
retenu, il se fût lancé sur « le frère Innocent » dans des
considérations sans fin auxquelles son accent chantant conférait une saveur
inattendue, mais qui noyaient un peu le personnage. Pour lui, l’inconnu était
un bon garçon auquel il reprochait surtout son mutisme, mais dont il était
incapable de dire de quelle couleur étaient ses yeux.
    – Il
les tenait toujours à demi fermés, expliqua-t-il. Je crois que le soleil les
avait brûlés quand il était dans la barque, car ils étaient tout rouges à son
arrivée. Que puis-je vous dire encore ? Il ne parlait pas comme tout le
monde et, pendant sa grosse fièvre, je ne comprenais pas grand-chose à ce qu’il
marmottait...
    – Sa
Révérence vient de nous dire qu’il portait des traces de blessures ? fit l’Ecossais.
    – Des
cicatrices ? Oh ça oui ! Il en avait partout ! J’en ai jamais
tant vu ! Au point que je ne peux même pas vous dire où !
    L’espoir,
un instant revenu, diminua de nouveau dans le cœur de Fiora. Certes, Philippe
avait été blessé plusieurs fois dans divers combats, mais pas au point d’être
couvert de marques comme le prétendait ce brave petit moine qui, en vérité,
semblait encore plus innocent que son protégé. Encouragé par le silence du dom
prieur, il se lançait dans de nouvelles descriptions qui achevèrent d’accabler
la jeune femme : l’homme était très pieux, plutôt timide, fort entendu aux
travaux des champs. Il était aussi...
    – Cela
suffit, mon frère ! coupa le supérieur. Je crois que vos propos n’intéressent
pas beaucoup nos hôtes. Une telle attitude ne ressemble guère, n’est-ce pas, à
ce que vous cherchez ?
    – C’est
vrai, admit Fiora, traversée alors par une idée digne d’une fille de Florence
où l’on rencontrait au moindre événement un peintre ou un sculpteur en train de
dessiner d’un fusain rapide. Mais n’y a-t-il ici aucun moine capable d’esquisser,
de mémoire bien sûr, un portrait ?
    – Nos
frères convers en sont incapables. Seul, peut-être, notre frère enlumineur,
mais il n’a jamais rencontré notre hôte qui ne pouvait franchir la clôture.
    Il ne
restait plus à Fiora et à Mortimer qu’à remercier les religieux et faire leurs
adieux. La jeune femme retenait avec peine ses larmes, tant était grand l’espoir
qu’elle avait mis dans l’incident de l’homme à la barque. Comme si le fleuve
redoutable qu’était le Rhône avait pu porter une barque fragile sur une si
longue distance sans chavirer !
    Ils
allaient franchir la porte quand le petit frère infirmier, qui semblait très
malheureux, leva un doigt timide pour demander la permission d’ajouter quelque
chose :
    – Quoi
encore ? fit le dom prieur avec un peu d’agacement. Il me semble que vous
avez déjà beaucoup parlé, mon frère...
    L’interpellé
devint très rouge et, baissant la tête, se dirigea vers la porte.
    – Dites
toujours ! fit Mortimer compatissant. Puisqu’on vous le permet !
    – Oh !
Ça m’étonnerait que ça vous intéresse mais... cet homme-là devait aimer les
fleurs. Pourtant, il ne voulait pas l’avouer.
    – Pourquoi
donc ? Il n’y a pas de honte à aimer les fleurs ?
    – C’est
ce que je pensais aussi, mais quand il a été guéri... enfin presque... il m’a
dit que les fleurs ne lui rappelaient rien. Cependant, au plus fort de sa
fièvre, il répétait toujours le même mot et il ressemblait à « fleur »,
mal prononcé bien sûr et avec son accent à lui. Ça donnait quelque chose comme « fieure...
fioure... ».
    Mortimer
avait saisi l’infirmier par les épaules :
    – Fiora ?
    Il y
eut un court silence, chacun des participants de la scène retenant d’instinct
leur souffle. Et soudain, le petit moine sourit :
    – Oui...
oui, je crois que c’était ça ! Maintenant que vous me le dites, je crois
que c’était « fiora ». Ça veut dire quoi ? C’est un nom de
fleur, n’est-ce pas ?
    – C’est
surtout le nom de sa femme. Merci, mon frère ! Vous nous avez rendu un
immense service et nous vous sommes très reconnaissants.
    Fiora
était incapable d’articuler le moindre mot. Vaincue par la fatigue et l’émotion,
elle sanglotait éperdument, la tête dans les mains, ayant tout

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