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Fiora et le roi de France

Fiora et le roi de France

Titel: Fiora et le roi de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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débâtés
attendaient placidement qu’il fût l’heure de rentrer au mas. Les voix joyeuses
se renvoyaient des plaisanteries et, quelque part, une chanson voltigeait,
soutenue par un air de flûte...
    Prise
d’une soudaine fringale, Fiora acheta un fromage de chèvre qu’on lui offrit sur
une belle feuille de vigne et une grosse grappe de raisin doré qu’elle partagea
généreusement avec Mortimer.
    – Avez-vous
peur qu’on ne vous nourrisse pas à l’auberge ? demanda-t-il en riant. Si
la cuisine est restée ce qu’elle était lors de ma venue, vous n’aurez pourtant
pas à vous plaindre...
    – Je
ne sais pas pourquoi, mais je meurs de faim. Au fait, qu’est-ce qu’un Écossais
pouvait faire ici ?
    – Oh,
rien d’extraordinaire, fit Mortimer volontairement évasif. Une petite mission
dont le roi m’avait chargé. Je suis resté un mois, mais cela n’a pas été le
plus désagréable de ma vie.
    Fiora
ne chercha pas à en savoir davantage. Brusquement, par la magie de cette terre
provençale qui, par bien des côtés, lui rappelait son pays florentin, l’épuisante
course à la recherche d’une ombre venait de prendre la couleur aimable d’un
loisir, d’un voyage de découverte où le temps s’oublie pour le plus grand
plaisir des yeux et de l’odorat. Les heures cruelles s’étaient effacées devant
une certitude : Philippe était vivant. Fiora, dès lors, pouvait s’accorder
le droit de respirer un peu...
    A l’abri
de la collégiale Notre-Dame dont la tour carrée et les clochetons semblaient
protéger la petite ville comme une poule ses poussins, l’auberge du Grand
Prieur ouvrait sur la place du chapitre ses salles fraîches qui sentaient
la verveine et les herbes aromatiques. Derrière, un jardin foisonnant de
lauriers-roses, d’orangers, de myrtes, de cyprès, de pins, de rosiers, de
jasmins et de bien d’autres plantes rejoignait celui d’un prieuré appartenant
aux abbés de Saint-André. Là s’étalaient, sur la colline de Montaut, les
vestiges de l’ancien palais du cardinal Pierre Bertrand, évêque d’Autun et
fondateur, à Paris, du collège du même nom. Cet ensemble formait l’un de ces
lieux privilégiés où la beauté de la nature rehausse le charme du travail des
hommes et où toutes choses se joignent pour le contentement des yeux et la paix
de l’âme.
    Au
temps où, dans son palais, le cardinal Bertrand se plaisait à recevoir les
grands de ce monde, l’hôtellerie accueillait les seigneurs de leurs suites et
portait secours aux cuisines parfois défaillantes des princes de l’Église ses
voisins. D’autre part, ceux d’Avignon franchissaient volontiers le pont
Saint-Bénézet pour goûter un moment de fraîcheur sous les ombrages du jardin,
et surtout pour savourer les délicatesses d’une cuisine célèbre à vingt lieues
à la ronde.
    Le
départ de la cour papale aurait pu porter un coup fatal au Grand Prieur, il
n’en fut rien. Le temps des légats était venu, Avignon hérita de l’ère des
pontifes une population cosmopolite qui en fit une grande place d’affaires où
banques et maisons de commerce possédaient des comptoirs, alors même que
Marseille n’en avait pas encore. En fait, Avignon demeurant le principal relais
entre la mer et les grands marchés de Lyon et de Genève, Villeneuve, bien qu’appartenant
au roi de France, continua à profiter d’une situation aussi exceptionnelle et
le Grand Prieur ne perdit rien de sa renommée. Bien au contraire, car
ses propriétaires, Maître Jacques et sa femme Françoise, possédaient au plus
haut degré l’art difficile d’accueillir chacun, d’où qu’il vienne, de la façon
qui lui conviendrait le mieux. Le sourire de Dame Françoise aurait désarmé une
douairière et fait s’épanouir d’aise un anachorète avant qu’elle ne laisse à
son époux le soin de le faire plonger jusqu’à la damnation finale au plus
savoureux du péché de gourmandise.
    Reprenant
une partie de ce qui avait été la somptueuse livrée du cardinal Arnaud de Via,
neveu du pape Jean XXII et bâtisseur de la collégiale voisine où il reposait,
la maison n’était pas très grande, mais elle possédait tout le raffinement du
palais d’à côté, l’austérité en moins, avec en plus, un certain art de vivre
qui sentait bon le soleil de Provence. En y entrant, Fiora eut l’impression qu’une
main invisible ôtait de ses épaules le poids de fatigue et d’angoisse qui les
accablait depuis des

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