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Fiora et le roi de France

Fiora et le roi de France

Titel: Fiora et le roi de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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précieux liquide
maternel. Et, comme celle-ci passait des larmes et des supplications à la
colère, elle se fit sévère.
    – Cessez
de vous comporter comme une enfant ! Il faut une bonne nourrice à cette
petite et nous n’allons pas nous amuser à la changer de sein toutes les deux
minutes. Pensez un peu à elle !
    Il
fallut se résigner. D’ailleurs, le lendemain matin, les Nardi, tout frémissants
d’une joie qu’ils n’osèrent pas montrer devant le visage tragique de la jeune
mère, accouraient à Suresnes avec chevaux et confortable litière pour que le
bébé fît le court voyage dans les meilleures conditions. La nourrice, choisie
avec soin, attendait déjà rue des Lombards. Comme les Rois mages de l’Écriture
sainte, ils apportaient des présents – inutiles et charmants comme des
dentelles et des onguents de beauté pour Fiora – qui traduisaient bien leur
affection.
    Lorsque
Fiora, pleurant comme une fontaine, remit elle-même sa fille dans les bras d’Agnelle,
celle-ci l’embrassa chaleureusement.
    – Je
sais ce qu’il vous en coûte, mon amie, mais soyez certaine que notre petite
Lorenza recevra tout ce qu’un enfant peut souhaiter et que nous l’aimerons de
tout notre cœur, Agnolo et moi. D’ailleurs, si vous ne pouvez venir la voir d’ici
quelque temps, je vous promets que cet été nous vous l’amènerons...
    – Je
ne sais pas si ce serait très sage, soupira Léonarde. Il semble évident, dès à
présent, que Lorenza-Maria va ressembler beaucoup à sa mère...
    – Ce
qui est heureux pour elle, fit Agnolo, car je la plaindrais de ressembler à son
illustre père qui est fort laid ! Mais laissons faire la nature, nous
verrons bien !
    – Lorenza-Maria !
soupira Agnelle en berçant, les yeux pleins d’étoiles, le petit paquet blanc
que Fiora regardait avec désespoir. C’est bien joli ! Et c’est donc sous
ce nom qu’elle sera baptisée dès ce soir, en l’église Saint-Merri...
    – Dès
ce soir ? s’étonna Léonarde. Et quels noms allez-vous indiquer pour les
père et mère ?
    – Il
n’existe pas cinquante solutions, fit Agnolo. Nous ne pouvons la déclarer que
de père et mère inconnus, Agnelle et moi signant uniquement à titre de marraine
et de parrain. Naturellement, deux de nos voisins nous accompagneront en guise
de témoins.
    – Ainsi,
elle n’aura pas de nom réel ? murmura Fiora. Elle qui pourrait s’appeler
Médicis ou au moins Beltrami.
    – Me
connaissez-vous si mal ? fit Agnolo. Le prêtre recevra de l’or, et je m’arrangerai
pour qu’il me croie le père...
    – Eh
bien, s’insurgea Agnelle, comme c’est aimable pour moi ! D’autant qu’elle
est, en principe, la fille de ta nièce ?
    – Sois
sans crainte, reprit le négociant en riant. Du moment qu’on les paie, les
desservants de paroisse ne se montrent pas trop difficiles et cela permettra à
ce petit ange d’avoir un nom : elle sera Lorenza-Maria dei Nardi. N’est-ce
pas le principal ?
    – Bien
sûr que si ! C’est toujours toi qui as les meilleures idées...
     
    Quand
ils eurent quitté le clos, la maison parut vide. C’était comme s’ils avaient
emporté avec eux toute sa lumière et toute sa chaleur. Adossée à ses oreillers
que ses cheveux marquaient d’une épaisse tresse noire, Fiora, les yeux baissés,
se taisait. Elle regardait ses bras étendus devant elle, ses mains abandonnées
paumes en l’air sur le drap de fine toile. Eux aussi étaient vides et, tout à
coup, cela lui fut insupportable. Relevant les paupières, elle regarda tour à
tour Léonarde, qui s’était laissée tomber sur un banc et pleurait, les coudes
aux genoux et la tête dans ses mains, puis Florent adossé au manteau de la
cheminée où il regardait sans le voir le feu qui s’éteignait. Tous deux,
frappés d’une immobilité qui semblait ne devoir jamais finir, n’osaient pas se
tourner vers le lit... C’était comme si leur vie, à eux aussi, s’était arrêtée
avec le départ de cette litière dont on entendait encore le léger grincement
des essieux s’éloignant vers le vieux pont romain.
    Une
soudaine bouffée de colère tira la jeune femme de son amère songerie. Elle n’allait
pas rester là, immobile, à attendre stupidement que son cœur cessât de lui
faire mal. Sa voix sonna, haute, claire, impérieuse, et fit tressaillir les
deux autres.
    – Donnez-moi
une robe de chambre, ma chère Léonarde ! Je veux me lever.
    Tout
de suite la vieille

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