Fiora et le Téméraire
pour scruter les profondeurs de ce
regard qui ne fuyait pas le sien. Soudain, il tira de sa ceinture une dague
dont la poignée d’or était enrichie de pierreries et en appuya la pointe sur le
cou de la jeune femme :
– Je
vous accorde le temps de dire une prière !
– C’est
inutile, murmura Fiora. Dieu n’a rien à me pardonner car je ne crois pas l’avoir
jamais offensé gravement. Lui, en revanche, s’est plu à me faire souffrir. S’il
consent à entendre de moi une prière, qu’il me réunisse à mon père assassiné !
Elle
ferma les yeux, attendant que l’arme s’enfonce mais déjà elle s’éloignait. D’un
geste vif, le duc trancha les cordes qui liaient les mains de la jeune femme :
– Je
crois, pardieu, que vous dites vrai, fit-il d’une voix sombre. Vous n’avez pas
peur... Sors, La Marche ! Et vous, relevez-vous !
Mais
Fiora n’eut pas le temps d’exécuter cet ordre : Campobasso venait de faire
irruption dans la pièce. Il vit Fiora à genoux et le duc, un poignard à la main :
– Monseigneur !
cria-t-il. Pour l’amour de Dieu ne touchez pas à cette jeune femme ! Je l’aime
et je veux l’épouser !
Il se
précipitait vers Fiora, la relevait et, passant un bras autour de ses épaules,
il reprit :
– Ne
la rendez pas responsable des fautes que j’ai pu commettre, mon prince ! Sans
bien s’en rendre compte, elle a allumé en moi un feu dévorant qui ne me laisse
ni trêve ni repos. Je ne peux plus vivre sans elle et...
– Dehors !
hurla le duc. Qui t’a donné l’audace d’entrer ici sans y être appelé ? Où
sont mes gardes ? ... La Marche !
– Non,
n’appelez pas, Monseigneur ! pria Campobasso avec un regard douloureux à
Fiora qui l’avait repoussé. Je ne cherche en rien à offenser Votre Seigneurie
mais on m’a dit que vous aviez fait conduire ici donna Fiora et à la pensée qu’elle
était livrée sans défense à votre colère...
– Sans
défense ? Je trouve, moi, qu’elle s’en tire fort bien ? Qui t’a
prévenu ?
– Mon
écuyer, Salvestro da Canale, que j’avais chargé de la garder en mon château de
Pierrefort. Il a suivi l’escorte qui l’amenait ici. Ne me la prenez pas, Monseigneur,
je vous en conjure, car elle ne mérite pas l’irritation où je vous vois.
Comprenez ! Nous sommes l’un à l’autre, nous nous aimons et il ne manque,
à notre bonheur, que la permission de notre prince et la bénédiction...
– Et
pourquoi pas ma permission à moi ? claironna une voix furieuse dont le son
fit manquer un battement au cœur de Fiora. Mal contenu par Olivier de La Marche
et un page qui faisaient de courageux efforts pour le maîtriser, Philippe de
Selongey venait de faire irruption à son tour dans la tente ducale. Le visage
du duc devint couleur de brique :
– Selongey
maintenant ? gronda-t-il. Ah ça, mais on entre ici comme dans un moulin !
Que venez-vous faire ici ? Sortez !
Au
lieu d’obéir, Philippe mit un genou en terre mais sans baisser la tête et sans
perdre un pouce de sa fierté :
– Je
demande excuse, monseigneur, pour ce manquement à l’étiquette ! Votre
Seigneurie me connaît : elle sait combien je lui suis fidèle et attaché
mais il fallait que je vienne et je n’ai pas pu m’en empêcher quand j’ai vu ce
reître forcer votre porte...
– Personne
apparemment n’aurait pu vous en empêcher ! J’attends à présent que vous me
disiez ce que vous venez faire ici. Avez-vous cru – et ce serait une bonne
excuse – que Campobasso en voulait à notre vie ?
– Non,
monseigneur. Je viens réclamer ce qui m’appartient. Cette jeune dame est ma
femme !
Un
boulet tombant au milieu de la tente princière n’eût pas causé surprise aussi
grande. Le duc considéra un instant chacun des trois personnages de cette étrange
scène avec un regard qui ne présageait rien de bon puis retourna, plus sombre
que jamais, siéger sur son trône. Campobasso réagit le premier. Tirant son
épée, il voulut se jeter sur Philippe qui se relevait sur un geste du duc :
– Par
tous les diables de l’enfer, tu mens, misérable ! Mais tu ne me la
prendras pas...
– Assez !
cria le duc et déjà Olivier de La Marche avait bondi sur le condottiere et lui
arrachait son épée cependant que son maître reprenait : On n’assassine
pas, chez moi ! Pour avoir osé dégainer devant moi, vous devriez être
puni, comte de Campobasso !
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