Fiora et le Téméraire
exécuter...
Elle
salua l’évêque puis, jetant au Téméraire que la colère empourprait un regard de
mépris glacial, elle tourna les talons et sortit de la tente...
Peut-être
aurait-elle eu à pâtir de la colère qu’elle avait allumée chez le duc si un
événement inattendu ne s’était produit presque simultanément : dans la
ville assiégée, les trompettes et les tambours se mirent à battre la chamade,
ce qui était signe certain que Nancy souhaitait se rendre et le duc Charles en
éprouva une grande joie.
On
apprit, plus tard, qu’une lettre du duc René était parvenue à entrer dans la
cité : « Puisque pour mon malheur, écrivait le jeune prince, je me
trouve réduit à ne pouvoir rien faire pour votre bien et à ne pouvoir rien
tenter pour ma gloire, je vous exhorte par l’intérêt même de la patrie pour
laquelle vous vous êtes sacrifiés, de ne point prodiguer davantage votre sang
par de plus longs efforts qui vous conduiraient à des pertes plus grandes et à
une capitulation moins favorable... »
Ce
message que tous écoutèrent en pleurant n’entama pas la résolution du
gouverneur : le bâtard de Calabre voulait se battre encore, car les
fortifications n’étaient pas endommagées ni le peuple effrayé. On pouvait tenir
encore deux mois et, dans deux mois, le Téméraire se découragerait... mais les
échevins et tout le conseil de la ville furent d’avis qu’il fallait obéir au
duc dont on savait qu’il était à présent retiré chez sa mère, Yolande de Vaudémont,
au château de Joinville. On ne viendrait jamais à bout de cette grande armée. Mieux
valait essayer d’obtenir une capitulation honorable.
Le
gouverneur brisa son épée et en jeta les morceaux devant les robes rouges des
magistrats. C’était le 29 novembre 1475...
Quatrième partie LA COURSE A
L’ABÎME
CHAPITRE XI LE DUEL
Le
lendemain 30 novembre, jour de la Saint-André qui était le protecteur de la
Bourgogne, le duc Charles fit son entrée dans Nancy à huit heures du matin par
la porte de la Craffe. Le temps gris mais sans pluie, apportait au moins cet
apaisement au peuple muet et en grand deuil qui regardait, contenu par une
double haie d’infanterie étirée sur toute la longueur de la ville et jusqu’à la
porte Saint-Nicolas par laquelle, la veille, était sortie la garnison avec les
honneurs de la guerre.
Le
Téméraire avait tenu à assister en personne à ce départ. Il avait pour ainsi
dire passé en revue les deux mille Allemands qui repartaient vers l’Alsace, les
six cents Gascons vers la France et les quelque deux mille Lorrains dont les
uns rentraient chez eux et les autres allaient renforcer la garnison de Bitche.
Le bâtard de Calabre vint le dernier, escorté uniquement du banneret qui
portait son étendard. Armé de toutes pièces, à cheval mais tête nue, altier et
superbe, il vint au petit trot de son destrier jusqu’au Téméraire et lui jeta :
– S’il
n’avait tenu qu’à moi, tu te serais cassé les dents sur cette ville, Charles de
Bourgogne. J’en jure Dieu ! Mais les bourgeois tiennent à la vie plus qu’à
l’honneur. Que vas-tu en faire ? Les passer tous au fil de l’épée ?
Non
pas. Je me suis engagé à maintenir Nancy dans la possession de ses privilèges
et de la régir selon sesanciennes coutumes. J’en ferai la capitale de mon
royaume. Pourquoi, toi qui es vaillant et de sang royal n’en redeviendrais-tu
pas le gouverneur ? J’aime les hommes de valeur.
– Moi
aussi et c’est pourquoi je pars. Il ne sera jamais dit, tant que je vivrai, qu’un
prince lorrain, même bâtard, se sera incliné devant toi...
– D’autres
le feront peut-être ? Tu sais que ton grand-père, le vieux roi René, songe
à me léguer la Provence par testament afin que soit reformé l’antique royaume burgonde ?
– Libre
à lui. Nous n’avons que faire de la Provence. Seule la Lorraine nous intéresse
et tu n’en as pas fini avec nous !
Enlevant
son cheval, le bâtard de Calabre partit au galop sur la route de France. Une
tache de boue projetée par les sabots du destrier vint maculer le manteau de
velours rouge que le Téméraire portait sur son armure... Celui-ci fronça le
sourcil mais l’ombre qui passait sur son visage se dissipa rapidement :
– Nancy
est à nous, mes fidèles ! lança-t-il à pleine voix. Songeons à présent à y
faire notre joyeuse entrée ! Et que l’on sache que quiconque molestera
Weitere Kostenlose Bücher