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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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s’engagea sur une place spacieuse qui venait mourir doucement dans le
fleuve. Un imposant bâtiment reposant sur de hautes arcades et couronné de
clochetons la bornaient à l’est.
    – C’est
la Maison aux Piliers, expliqua Démétrios. C’est là que se tiennent les
échevins. La Seigneurie, en quelque sorte. On appelle cette place la Grève. Il
y a là un monde de négociants, de portefaix, de bateliers, de cabaretiers même
qui viennent s’approvisionner en vin aux tonneaux que tu vois sur la berge
auprès de ces tas de foin. C’est le lieu le plus animé de Paris, celui des
réjouissances... et des exécutions aussi, hélas !
    – Seigneur
que cela sent mauvais ! protesta Fiora en se bouchant les narines.
    – Cela
provient des tanneries que tu peux voir de ce côté, mais il y a aussi, tout
près d’ici, la Grande Boucherie. Néanmoins je te trouve bien difficile tout à
coup. Au cœur actif de Florence, cela ne sent pas non plus la rose. Les dames
délicates emploient les pommes de senteur ici comme là-bas. Je t’en offrirai
une...
    On
plongea enfin dans un lacis de rues étroites, rendues obscures par les grands
toits des maisons en encorbellement qui les bordaient et se rejoignaient
presque. En dépit du caniveau creusé au milieu des pavés, des ordures y
stagnaient mais, par les fenêtres ouvertes, les relents de cuisine luttaient
victorieusement contre ceux des détritus.
    La
vision séduisante de la rue des Lombards réconforta un peu Fiora. Ses maisons
arborant toutes de belles enseignes colorées appartenaient en grande partie à
des commerçants gênois, milanais, vénitiens et florentins qui s’occupaient de
banque, de change ou même d’usure mais qui, en général, étaient riches. L’aspect
de leurs maisons s’en ressentait.
    Le
comptoir d’Agnolo Nardi, frère de lait de Francesco Beltrami et son
représentant pour la France septentrionale, s’élevait à l’angle de la rue des
Lombards et de la Grande rue Saint-Martin, presque en face du portail de l’église
Saint-Merri. C’était une grande et belle demeure dont les trois pignons alignés
recouvraient tout à la fois le logis du maître, le dépôt de draps fins et une
banque. Le double commerce était à l’exemple de ce qu’avait créé Beltrami à
Florence. Les bâtiments étaient soigneusement entretenus et, sur les toits
pointus, deux girouettes rouges, telles les langues d’animaux fabuleux, encadraient
un fleuron doré du plus bel effet. Les fenêtres largement ouvertes sur la
fraîcheur du soir montraient de beaux plafonds aux poutres peintes et
enluminées. Enfin, derrière la triple maison, un petit jardin clos de murs la
séparait de celle d’un joaillier dont les ouvertures donnaient sur la rue de la
Vieille-Courroierie, ce qui assurait à ce petit enclos une tranquillité
absolue.
    Agnolo
Nardi n’était pas tout à fait un inconnu pour Fiora et Léonarde. Elles l’avaient
rencontré sept ans plus tôt au cours de la visite qu’il avait faite à sa maison
mère et elles en avaient conservé le souvenir d’un petit homme rond, brun comme
une châtaigne, vif et gai, ami de la bonne chère comme du bon vin. Un
personnage en somme aimable et attachant dont Beltrami vantait tout à la fois
la générosité, l’honnêteté et l’habileté en affaires.
    Depuis,
elles avaient appris son mariage avec une jeune Parisienne, fille d’un des
meilleurs drapiers de la ville dont le nom, Agnelle Perrin, les avait beaucoup
amusées. Ainsi l’agneau [vi] avait trouvé son complément naturel et l’on pouvait espérer qu’il trouverait du
même coup son bonheur.
    Elles
n’en doutèrent plus quand, à peine descendues de cheval, elles le virent
accourir, exactement semblable à l’image qu’elles en avaient gardée, ses petits
bras courts et dodus grands ouverts avec sur sa bonne figure un sourire qui l’illuminait
littéralement :
    – Donna
Fiora et donna Léonarda ! Enfin vous voilà ! Vous n’imaginez pas
comme j’étais en peine de vous ! Je craignais qu’il ne vous fût advenu
quelque mauvaise aventure !
    Il les
embrassa toutes les deux avec l’effusion d’un frère qui retrouve ses sœurs.
    – Tu
nous as reconnues ? s’étonna Fiora, retrouvant instinctivement et avec
plaisir la langue toscane et le tutoiement florentin.
    – C’est
surtout donna Léonarda que j’ai reconnue. Toi, donna Fiora, tu as beaucoup
changé. Par Santa Reparata, patronne de notre chère ville, tu es

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