Fiora et le Téméraire
assurément la
plus jolie des Florentines !
Et il
en profita pour la réembrasser deux ou trois fois avec un plaisir enfantin.
– Est-ce
que vous nous attendiez ? demanda Léonarde.
– Bien
sûr et depuis longtemps déjà ! Messer Donati, qui gère à présent les
affaires de notre pauvre Francesco, m’a fait tenir un message accompagné d’une
lettre de Mgr Lorenzo dont j’ai été fort honoré...
Puis
se tournant vers Démétrios qu’il salua courtoisement :
– Messer
Lascaris, soyez le bienvenu dans ma modeste maison, vous et votre écuyer.
Agnelle
accourait à son tour, ramassant à pleines mains ses jupes de cendal safrané qui
bruissaient joliment. Elle formait avec son époux un couple assez peu ordinaire :
aussi blonde qu’il était brun, pas plus grande que lui et aussi ronde, elle
avait un joli teint un peu doré et ressemblait tout à fait à un pot de miel.
Son charmant visage dont les prunelles possédaient le joli bleu des fleurs de
lin resplendissait de santé et de belle humeur. Elle embrassa Fiora comme si
elle eût été sa petite sœur – elle était nettement plus jeune que son époux – et
Léonarde avec une nuance de respect qui séduisit la vieille demoiselle...
– A
quoi pense maître Agnolo de vous tenir là, dans la rue, sous les yeux de toutes
les commères du quartier, au lieu de vous faire entrer chez nous ! Venez,
venez ! Vous avez grand besoin d’un bon repas, d’un grand repos et nous ne
ferons la fête que demain seulement.
– La
fête ? dit Fiora. Mais pourquoi ?
– Pour
vous, voyons ! Ne faut-il pas célébrer votre arrivée ? Voilà des
jours et des jours que nous vous attendons !
– Nous
avions des affaires à régler en Bourgogne, dit Fiora, et cela nous a retenus
plus longtemps que nous ne l’aurions souhaité sans doute. Et puis, nous
ignorions que vous nous attendiez.
– Avec
impatience ! Et nous avons tremblé pour vous. Messer Donati et le seigneur
de Médicis ont bien expliqué, dans leurs lettres, les terribles malheurs qui se
sont abattus sur vous. Nous ne souhaitons qu’une chose : vous aider...
Ayant
ainsi parlé, Agnelle prit ses invitées chacune par un bras, les entraîna vers l’escalier
menant aux étages et d’abord à la pièce principale. L’intérieur de la maison
ressemblait à l’hôtesse : frais, élégant et d’une propreté flamande. La
salle avec sa haute cheminée ornée de statues de saints, sa longue tapisserie à
personnages dont était revêtu tout le mur faisant face aux fenêtres, ses
dressoirs surchargés de pimpantes majoliques italiennes, de verres dorés et
colorés de Venise et de belle argenterie, était digne de celle d’un château.
Les sièges de chêne sculpté s’adoucissaient de coussins de velours incarnat
bien gonflés de duvet et ornés de franges de soie. De hauts candélabres de
bronze supportaient des chandelles de cire blanche et, devant la cheminée sans
feu, un brasero en cuivre empli de giroflées et de pivoines blanches apportait
une senteur exquise qui évoquait le jardin. Quant aux servantes, vêtues de
toile bleue fraîchement repassée, leurs coiffes et leurs devantiers bien nets
semblaient tout juste sortis d’une armoire.
Raffinement
suprême, la maison possédait une petite salle pour le bain abondamment garnie
de brocs, de cuvettes et d’un vaste baquet. Fiora s’y trempa avec délices dans
une eau à peine tiède et retrouva la douceur, perdue depuis des mois, des
merveilleux savons vénitiens. Deux servantes lui prodiguèrent leurs soins avec
un enthousiasme évident mais qui diminua beaucoup quand, après Fiora, elles
eurent à s’occuper de Léonarde. Pendant ce temps, enveloppée dans un drap et
chaussée de socques légères, Fiora sortait dans le jardin sur lequel ouvrait l’étuve
pour rentrer dans la maison par la porte de derrière et remonter dans sa
chambre, quand elle se trouva nez à nez avec un jeune homme simplement vêtu de
ses chausses et d’un pot de basilic en fleur qu’il serrait tendrement sur sa
poitrine. La surprise que la vue inopinée de Fiora lui causa fut si forte qu’il
en lâcha son pot. Celui-ci s’écrasa sans que le jeune homme parût autrement s’en
soucier. Pétrifié sur place il semblait en extase mais réussit tout de même à
articuler :
– Par
tous les saints du paradis ! ... Vous êtes vraie ou pas ?
– Pourquoi
ne le serais-je pas ? dit Fiora amusée.
– Vous
avez tellement l’air d’une
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