Fiora et le Téméraire
bois
doux et des bandes de linge fin...
– Pardieu,
c’est une bénédiction d’être malade chez vous, fit Démétrios avec un sourire,
car vous en savez plus que beaucoup de nos étudiants. Soyez assez bonne de
joindre à tout cela une écuelle pleine de farine, de l’eau... et mon serviteur
si vous le trouvez. Il devrait être à l’écurie...
Agnelle
disparut comme un petit nuage doré pour s’en revenir peu après avec la moitié
de ses servantes et Esteban, tout ce monde chargé de tréteaux, de planches et d’une
foule d’objets utilitaires et variés. Pendant ce temps, le Grec avait trouvé
dans ses bagages à peu près tout ce dont il allait avoir besoin. Grâce à la
princière générosité du Magnifique et aux richesses de son jardin de Fiesole,
il possédait un fonds de pharmacopée ambulante qui n’eût pas trouvé
certainement son équivalent dans le vieil Hôtel-Dieu parisien dont les
vénérables murailles s’élevaient, grises et mélancoliques, auprès de
Notre-Dame.
La
blessée dont la main tremblante demeurait accrochée à celle de Fiora fut
étendue sur la table, la tête soutenue par des oreillers. Elle tremblait de
peur autant que de souffrance en dépit des paroles douces et des encouragements
que lui procurait la jeune femme. Aussi avala-t-elle avec reconnaissance les
deux cuillerées d’opiat au miel que Démétrios lui fit ingurgiter et qui
apaisèrent un peu sa douleur. Mais quand le médecin, d’un geste sec et précis,
remit son pied en place, elle poussa un cri aigu et s’évanouit...
– C’est
ce qui pouvait lui arriver de mieux, fit celui-ci. Profitons-en !
Tandis
que deux solides servantes maintenaient Léonarde aux épaules et qu’Esteban se
couchait pratiquement sur le milieu de son corps, Démétrios après avoir nettoyé
la blessure étira longuement, fermement, la jambe blessée jusqu’à ce que l’os
ait repris sa place... Après quoi, avec les attelles et de longues bandes de
toile fine qu’il trempait dans de la farine étendue d’eau, il confectionna un
appareil qui maintint fermement le membre lésé, au bout duquel il attacha une
grosse pierre après que l’infortunée Léonarde eut été ramenée dans son lit.
Pendant toute l’opération, la pauvre femme s’était réveillée et réévanouie par
deux fois mais, quand tout fut fini, elle s’endormit d’un profond sommeil après
avoir absorbé une nouvelle dose d’opiat...
– Vous
ne pouvez continuer à partager ce lit, dit Agnelle à Fiora. Je vais en faire
monter un autre...
– Donnez-lui
ma chambre, fit Démétrios. Je dormirai à l’écurie avec mon serviteur. Pour une
nuit...
– Tu
penses partir tout de même ? s’enquit Fiora alarmée à l’idée de se séparer
de ce solide compagnon...
– Si
la nuit a été bonne, je n’aurai aucune raison de rester. Il faudra laisser la
nature faire son ouvrage comme elle l’entend.
– Et
elle mettra combien de temps à le faire, cet ouvrage ?
– Six
semaines environ. Mais rassure-toi, ajouta-t-il en voyant s’allonger le fin
visage, je reviendrai avant. Dès que j’aurai soigné le roi, il me laissera sans
doute m’éloigner.
– N’y
comptez pas trop ! lança Agnolo qui revenait de chez un client à cet
instant. Si vous plaisez à notre sire, il ne vous lâchera pas si facilement...
– Je
lui expliquerai. Mais, à ce propos, maître Agnolo, vous me semblez bien au fait
des habitudes comme de la politique du roi ?
– ...
et vous êtes surpris, n’est-ce pas, qu’un simple marchand, étranger de
surcroît, vous tienne des discours qu’on attendrait plutôt d’un proche du
monarque ?
– Cela
ne m’étonnerait pas outre mesure à Florence où chacun se mêle plus ou moins des
affaires de l’Etat mais dans un royaume qui semble gouverné de main de
maître...
– Et
qui l’est, soyez-en certain. Mais faisons donc quelques pas au jardin, nous y
serons au calme et ce sera plus agréable...
En
passant auprès de la cuisine, le négociant ordonna à une servante de leur
porter du vin frais sous la tonnelle d’aristoloche et de chèvrefeuille qui
était l’un des attraits du jardin, l’autre étant les massifs de rosiers
auxquels Florent prodiguait des soins de père. Il était justement occupé à
couper des fleurs fanées quand les deux hommes pénétrèrent sur son territoire.
– Je
vais finir par t’envoyer à mon clos de Suresnes, soupira Nardi. Tu passes dans
ce jardin bien plus de temps
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