Fiorinda la belle
ne comprends plus. Cet ordre disait de garder M. de Ferrière, non de le mettre dehors… Vous avez donc arrangé cet ordre ?… Vous avez donc fait un faux ? Çà, monsieur, vous possédez donc l’art de contrefaire les écritures ?
– Non, madame, dit tranquillement Beaurevers, je n’ai pas contrefait l’écriture de Votre Majesté. Je me suis servi de l’ordre qu’elle m’a remis… Mais je n’ai pas changé une syllabe de cet ordre. Je n’ai donc commis aucun faux.
– Et pourtant, s’impatienta Catherine, le vicomte a été remis en liberté quand j’ordonnais de le garder. Il y a donc magie, sortilège ?… Expliquez-moi cela, monsieur.
– Ni magie ni sortilège, madame : j’ai simplement fait sauter un point qui me gênait et je l’ai mis à la place d’une virgule qui me gênait davantage encore.
– Une virgule, un point ? » s’ébahit Catherine en ouvrant des yeux étonnés.
Avec la même naïveté complaisante, avec une satisfaction intime qu’il ne se donnait pas la peine de dissimuler, Beaurevers reprit :
« Vous allez comprendre, madame : l’ordre portait : mettre en liberté M. de Ferrière, virgule , impossible, un point . Le garder à la Bastille, etc. J’ai fait sauter le point qui se trouvait après le mot impossible et je l’ai mis à la place de la virgule qui se trouvait avant ce mot. Et j’ai obtenu ceci : mettre en liberté M. de Ferrière, un point . Vous entendez, madame, un point . La phrase est donc finie là. Ensuite, vient la deuxième phrase qui confirme la première : impossible le garder, etc. Vous voyez comme c’est simple. Et le mot faux est bien gros pour si peu de chose.
– Allons, bien joué, monsieur de Beaurevers… décidément vous êtes un homme d’esprit.
– Compliment précieux, madame, dit-il, mais dont, en bonne justice, je dois vous retourner la meilleure part, attendu que c’est vous qui, sans le savoir, m’avez donné l’idée première de ce petit subterfuge.
– Moi ! s’étonna Catherine.
– Vous, madame, affirma Beaurevers avec force… Je n’eusse jamais songé à ces subtilités si vous ne m’aviez mis l’esprit en éveil en m’expliquant que vous en aviez usé, précisément à propos de Ferrière.
– Ah ! » fit Catherine rêveuse.
Et de bonne grâce :
« Eh bien, nous sommes quittes maintenant, monsieur. »
XIX – CATHERINE DIT CE QU’ELLE VEUT
Il y avait plus de quinze jours que Fiorinda était prisonnière au Louvre. Et Catherine n’avait pas encore jugé à propos de lui faire connaître ce qu’elle attendait d’elle.
Or, il faut croire que le moment était venu pour Catherine de mettre ses projets à exécution : depuis quelque temps elle passait la plus grande partie de ses journées avec la jeune fille dont elle faisait sournoisement le siège. Cette grande affection qu’elle lui avait tout à coup montrée semblait croître de jour en jour. Tous les jours, en effet, elle lui donnait de nouvelles marques de confiance.
Un jour, Catherine, se sentant mal à son aise, se retira dans sa chambre dans le courant de l’après-midi. Elle consigna rigoureusement sa porte à ses femmes. Elle ne voulut près d’elle que Fiorinda qui dut lui tenir compagnie. La reine n’était cependant pas couchée.
Vers la fin de l’après-midi, une fille de service entra. Elle tenait un broc à la main. Du contenu de ce broc, elle remplit une carafe de cristal enchâssée d’argent ciselé, laquelle était placée sur la table de nuit. La carafe pleine, la fille remit très soigneusement le bouchon, d’argent également, qui se vissait autour du goulot, après quoi elle fit ses trois révérences et sortit sans mot dire.
Catherine n’avait même pas regardé la fille.
Fiorinda avait prêté une attention distraite à son manège.
Ce ne fut qu’après une longue et patiente préparation et lorsqu’elle se crut assurée du dévouement et de la soumission de la jeune fille, que Catherine se décida à lui expliquer – en partie seulement – ce qu’elle attendait d’elle.
La reine, pour taquiner une dame qu’elle ne nommait pas, demandait qu’elle lui révélât, comme les ayant lues dans sa main, certaines particularités qu’elle lui ferait connaître en temps utile.
Dès qu’elle vit Beaurevers, qui venait régulièrement la voir tous les jours, Fiorinda lui répéta mot pour mot l’entretien qu’elle venait d’avoir avec la reine.
Beaurevers réfléchit à son
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