Fiorinda la belle
vous faire remarquer que j’ai tenu scrupuleusement la parole que je vous avais donnée. Tenez pour assuré qu’il en sera de même à l’avenir. Oserai-je vous rappeler qu’en échange vous répondez, vous, madame, de la vie de mon père.
– Vous interprétez mal nos conventions, releva vivement Catherine. Je n’ai pas répondu et je ne réponds pas de la vie de votre père. J’ai répondu qu’on aurait des ménagements avec lui. J’ai tenu parole. Votre père n’a pas été inquiété et il est libre. Je réponds qu’il en sera de même tant que vous consentirez à demeurer ce que vous êtes en réalité : un otage entre les mains du roi. Mais il ne faut pas me demander plus que je n’ai promis.
– Je me suis mal exprimé, madame : j’ai voulu dire que je comptais sur la promesse de traiter mon père avec égards… jusqu’à ce qu’il ait fourni la preuve de son innocence… ce qui ne saurait tarder. »
Catherine se contenta d’approuver d’un signe de tête. Et elle reprit :
« Je vais vous faire préparer un appartement dans les bâtiments en construction. Vous serez assez loin de mes appartements comme vous voyez. Je vous demande, monsieur, de vous tenir volontairement enfermé chez vous. Si l’on s’étonne de vous voir demeurer au Louvre, vous trouverez une explication plausible… Eh mais, j’y songe… La voilà, l’explication : vous direz que vous y demeurez pour votre fiancée qui est momentanément à mon service. »
Ferrière saisit la balle au bond et d’une voix qui implorait :
« Votre Majesté daignera-t-elle permettre que je m’entretienne un instant avec ma fiancée ?
– Oui, consentit Catherine sans hésiter, cela confirmera votre explication. »
Encouragé par ce premier succès, insatiable comme tous les amoureux, Ferrière en profita immédiatement pour demander la permission de voir Fiorinda de temps en temps, insinuant adroitement que ce serait là une bonne manière de montrer qu’il était libre.
Mais cette fois Catherine se montra de moins bonne composition. Et sans refuser positivement, elle se contenta de dire qu’elle verrait, elle réfléchirait. Puis elle frappa sur un timbre. À la personne qui se présenta, elle dit en la fixant avec insistance :
« Voyez si la jeune fille qui loge près de ma chambre peut recevoir M. de Ferrière. »
Et avec un gracieux sourire, elle congédia :
« Allez, monsieur. »
Ferrière remercia, fit sa révérence et se dirigea vers la porte.
Sur son dos, sans qu’il y prît garde, Catherine, du bout des lèvres, donna un ordre à celui qui devait le conduire près de Fiorinda.
Et ce fut sans doute en exécution de cet ordre secret que Ferrière fut conduit dans un petit cabinet où on le laissa se morfondre tout seul.
Pendant qu’il faisait antichambre, Catherine frappait de nouveau sur le timbre et d’une voix brève ordonnait :
« Qu’on trouve M. le chevalier de Beaurevers et qu’on me l’amène. »
Beaurevers ne fut pas long à trouver.
Deux minutes après avoir donné son ordre, Catherine le vit entrer et venir s’incliner devant elle.
« M. de Ferrière sort d’ici, dit brusquement Catherine.
– J’espère qu’il ne lui est rien arrivé de fâcheux ?
– Je ne crois pas. Je pense qu’il doit être en ce moment près de sa fiancée qu’il m’a demandé la permission de visiter. »
Et, à son tour, Beaurevers comprit que, sans en avoir l’air, elle consentait à donner des explications destinées à le rassurer. Il ne se tint pas pour satisfait et avec la même froideur menaçante :
« Et permettez-moi d’ajouter : j’espère qu’il ne lui arrivera rien de fâcheux.
– Je vous entends, sourit Catherine. J’ai bien d’autres soucis en tête que de m’occuper de M. de Ferrière. Et puisque, grâce à vous, le voilà libre, eh bien, qu’il reste libre. Au bout du compte, peu m’importe. »
Cette fois, Beaurevers n’avait plus qu’à s’incliner. Ce qu’il fit.
Catherine reprit d’un air dégagé :
« Je vous ai fait venir, monsieur, pour satisfaire une curiosité qui me démange singulièrement, je l’avoue : que M. de Ferrière soit sorti de la Bastille, grâce à vous, c’est un fait. Mais enfin, on ne sort pas ainsi de la Bastille. Vous ne l’avez pas prise d’assaut… cela se saurait, j’imagine. L’événement eût fait quelque bruit. Vous vous êtes donc servi de l’ordre que je vous avais signé… Mais là je
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