Fiorinda la belle
tour et déclara de son air froid :
« Je veux que le diable m’enfourche si la dame dont il s’agit ne s’appelle pas Marie Stuart, reine de France et d’Écosse. Je ne sais malheureusement pas ce que la reine va vous demander. Tout ce que je puis vous dire et que vous ne devez pas perdre de vue un instant, c’est que, quelle que soit la machination où vous allez jouer un rôle, quelle que soit la personne contre laquelle elle sera dirigée en apparence, au fond, c’est toujours le roi qui est visé.
– C’est bien ce que je pensais », murmura Fiorinda.
Beaurevers la considéra longuement, au fond des yeux. Sut-il, mieux qu’elle-même, lire dans son cœur ? On eût pu le croire, car, après l’avoir observée avec une attention où malgré lui perçait une pointe d’inquiétude, ses traits contractés se rassérénèrent et il sourit doucement.
Il se pencha sur elle, effleura son front d’un baiser fraternel et sortit sans ajouter un mot.
Fiorinda demeura le reste de la journée inquiète, énervée dans une agitation fébrile qui la faisait aller et venir sans trêve dans sa chambre. C’est qu’elle comprenait que l’instant fatal approchait où il lui faudrait prendre la suprême décision. C’est qu’elle savait qu’elle jouait sa tête et que cette tête tomberait si la décision prise n’était pas conforme aux ordres de la reine.
Le lendemain, Catherine donna enfin ses fameuses dernières instructions :
La dame qu’il s’agissait de mystifier, c’était Marie Stuart, la reine. Beaurevers ne s’était pas trompé. Catherine précisa alors ce qu’elle devait dire.
En apparence, c’était très simple. En réalité, cela pouvait avoir des conséquences très graves, terribles peut-être.
Une dernière fois, Catherine la fouilla d’un regard soupçonneux. Et, la voyant toujours décidée, elle sourit et dit simplement :
« Allons. »
Quelques minutes plus tard, Fiorinda se trouvait en présence de Marie Stuart, sous l’œil inquisiteur de Catherine de Médicis, qui l’avait conduite jusque-là et qui ne la quittait plus.
Fiorinda plut à la jeune reine. Aussi l’accueil qu’elle lui fit fut-il des plus gracieux. Et si simple, si franchement cordial, si peu distant que Fiorinda, conquise elle aussi, se sentit aussitôt à son aise, comme si elle se trouvait devant une amie.
Et, cruellement embarrassée, elle se disait :
« Que faire, mon Dieu, que faire ? Obéir, c’est une action vile, méchante… c’est faire le malheur de cette gracieuse jeune femme si douce, si bonne, si peu fière… Désobéir, c’est la mort… Je ne voudrais pourtant pas mourir à l’aube de la vie… »
Pendant qu’elle se débattait ainsi, Catherine souriait d’un air aigu.
Marie tendit sa main à Fiorinda et, avec un joli rire, peut-être un peu contraint :
« J’espère, dit-elle, que vous ne m’annoncerez pas de malheurs ! »
Malgré le rire, malgré l’assurance qu’elle essayait de donner, sa voix trahissait la sourde appréhension qu’elle éprouvait.
Fiorinda tressaillit. Les paroles de la reine lui apparaissaient comme un avertissement qu’elle lui donnait sans le savoir. Elle prit la main qu’elle lui tendait et se mit à l’étudier attentivement.
En réalité, elle n’étudiait rien. Elle ne voyait même pas cette main blanche et fine, aux ongles roses, qu’elle tenait dans la sienne. Dans sa tête résonnait implacablement la même angoissante question :
« Que faire ? »
Et toujours la même effrayante solution : mourir… à dix-sept ans !
Pendant qu’elle hésitait, une porte s’ouvrit soudain et le roi parut.
Cette entrée inattendue fit froncer les sourcils à Catherine, qui jeta sur sa bru un coup d’œil soupçonneux. Mais ce coup d’œil lui suffit pour comprendre qu’elle n’était pour rien dans cette visite qui la contrariait vivement, elle, et qu’elle avait tout fait pour éviter. En effet, si Marie Stuart ne cachait pas le plaisir qu’elle éprouvait à voir son royal époux près d’elle, son air surpris disait qu’elle était loin de s’attendre à sa visite. Et Catherine pinçait les lèvres.
En revanche, Fiorinda avait accueilli la venue du roi avec un gros soupir de soulagement : c’était un instant de répit pour elle, et elle en avait besoin. Puis, dans la situation terrible où elle était, quelques minutes gagnées pouvaient lui apporter le salut. Et elle en profita pour respirer… et pour
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