Fiorinda la belle
tué !… Tu peux faire tes paquets pour aller le rejoindre !… Je jure Dieu que je ne te manquerai pas non plus, moi ! »
Guillaume Pentecôte baissa la tête, plia les épaules, comme s’il allait recevoir à l’instant même le coup mortel dont on le menaçait.
Cependant il ne s’agissait pas de demeurer là à se lamenter inutilement. C’est ce que se dit Rospignac. Il donna un ordre bref.
Les quatre hommes qui les accompagnaient se mirent silencieusement à la besogne. La corde qui avait servi à faire basculer la planche fut enlevée, enroulée autour du pavé, lancée dans l’égout. La planche fut remise en place et solidement calée. Les alentours furent nettoyés de façon à ne laisser aucune trace de l’agression.
Ceci était fait pour dérouter les amis de Beaurevers qui, Rospignac n’en doutait pas, ne manqueraient pas de se mettre à sa recherche et que le hasard pouvait amener là.
Beaurevers fut enlevé et porté dans une litière qui prit aussitôt le chemin du bastillon où Fiorinda était prisonnière. Là, il fut descendu sans bruit à la cave et déposé dans un petit caveau. Il lui fit faire un pansement sommaire par un de ses hommes qui avait quelques vagues notions de médecine et qui, après avoir considéré la blessure d’un air entendu, déclara que, s’il ne trépassait pas dans les vingt-quatre heures, il aurait des chances de s’en tirer.
Seulement Rospignac oublia de le faire décharger des liens qui l’enserraient. Ou peut-être que Beaurevers, même à demi mort comme il l’était, lui inspirait encore une telle crainte qu’il n’osa pas s’y fier.
Il faut être juste cependant : Rospignac passa toute cette nuit dans le caveau, à côté de Beaurevers. Toute la nuit il le soigna avec zèle et dévouement, comme il eût fait pour son meilleur ami. Cette sollicitude – dont nous n’avons pas besoin d’expliquer le mobile – reçut sa récompense.
Dans la matinée, Beaurevers donna signe de vie. Il s’agita faiblement. Ses yeux s’ouvrirent, se fixèrent sur Rospignac penché sur lui, car ses lèvres remuèrent imperceptiblement. Rospignac devina plutôt qu’il n’entendit qu’il demandait à boire. Il lui fit avaler quelques gorgées d’une potion réconfortante et renouvela ses pansements.
Moins inquiet, il quitta le caveau et sortit. Il alla voir Catherine à qui il rendit compte du résultat de sa mission. Il avoua que Beaurevers avait été blessé. Mais il se garda bien d’ajouter que cette blessure était grave, peut-être mortelle.
Il fut bien attrapé du reste, car Catherine déclara :
« Je veux le voir. Ce soir, à la nuit close, vous me conduirez près de lui. Prenez vos dispositions pour cela. »
Il n’y avait pas moyen de discuter. Rospignac s’inclina et sortit.
Il s’en fut chez un médecin. Il en sortit avec des fioles, des pots de pommade et des indications précises sur les soins à donner au blessé.
Et toute cette journée, Rospignac la passa à donner des soins à Beaurevers, comme il avait passé la nuit précédente. Le soir, Beaurevers allait mieux.
À l’heure fixée, Rospignac alla chercher Catherine et escorta sa litière jusqu’à la forteresse du Pré-aux-Clercs.
Lorsqu’elle vit dans quel état était Beaurevers, Catherine fit sur Rospignac un regard d’une froideur mortelle et d’une voix frémissante de colère contenue :
« Mais… il se meurt ! »
Rospignac comprit quelle était sa déception. Il la comprit d’autant mieux qu’il avait passé par là avant elle. Il essaya de s’excuser :
« La brute qui a frappé n’a pas su mesurer son coup. »
Et il rassura :
« J’ai consulté un médecin… Les blessures à la tête ont ceci de bon madame, que si on n’en meurt pas sur le coup, on a beaucoup de chances de s’en tirer, et assez vite… Voici bientôt trente-six heures qu’il a été blessé. Il vit encore… Il en réchappera, madame, je le sens, j’en suis sûr, ma haine ne me trompe pas, fiez-vous-en à elle. »
Comme pour lui donner raison, Beaurevers ouvrit les yeux à ce moment même. Il fixa sur eux un regard vitreux.
« On ne peut pas le laisser ainsi », dit vivement Catherine.
Et, elle ordonna :
« Tranchez ces cordes. »
Rospignac se baissa et avec son poignard trancha les liens qui immobilisaient et oppressaient le blessé, en expliquant :
« Je n’ai pas osé le faire avant votre ordre.
– Pensez-vous qu’il est à redouter dans
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