Fleurs de Paris
sentez-vous
mal ? demanda Gérard en se rapprochant avec un empressement et
une émotion qui firent battre le cœur d’Adeline.
C’est l’étonnement, fit-elle, rassurez-vous…
c’est ce que je viens de voir aux faits divers…
– Et qu’avez-vous vu ? fit Gérard
qui pâlit à son tour. Est-ce que la police…
– Non, non… de Perles est mort, voilà
tout.
– Tiens ! ce pauvre marquis dit
Gérard aussitôt rassuré. Je dois dire que, lorsque j’ai vu sa
blessure, je n’ai jamais pensé qu’il en reviendrait. Ce Ségalens
lui avait fourni un maître coup d’épée.
Au nom de Ségalens jeté ainsi tout à coup, un
flot de sang empourpra le visage d’Adeline, et son regard jeta un
éclair de haine. Mais le moment n’était pas venu pour elle de
s’occuper du mortel affront que lui avait fait Ségalens en
dédaignant de venir à un rendez-vous qu’il avait paru accepter avec
tant d’ardeur.
– Eh bien ! vous vous trompez,
fit-elle, Robert de Perles n’est pas mort de sa blessure.
– Un accident ?… la
fièvre ?…
– Il est mort assassiné ! dit
Adeline qui avidement parcourait le fait divers.
Gérard frémit. Son visage se décomposa…
Il prit le journal des mains d’Adeline, qui
parut se plonger alors dans une profonde méditation et il lut en
effet ces lignes :
LE DRAME DE NEUILLY
« On n’a pas oublié le duel retentissant
au cours duquel M. le marquis Robert de Perles fut atteint
d’une blessure qui inquiéta fort ses nombreux amis. On ne saurait
avoir oublié non plus que la villa du marquis, située à Neuilly, a
été récemment l’objet d’une tentative de cambriolage heureusement
déjouée par la vigilance de la police dont l’éloge n’est plus à
faire.
« Il était dit que la fatalité
s’acharnerait sur le jeune gentilhomme que Tout-Paris aimait et
estimait. Il était dit que sa charmante villa serait le
« théâtre d’un drame qui, malheureusement, devait avoir le
dénouement le plus tragique. M. le Marquis Robert de Perles a
été assassiné.
« Depuis quelques jours,
M. de Perles pouvait se lever. Il avait résolu de
reprendre son existence ordinaire en son hôtel de la rue de
l’Université, si connu, si admiré de la haute société parisienne.
Le personnel domestique installé à la villa était donc parti pour
tout remettre en bon ordre dans l’hôtel… Le marquis n’avait gardé
prés de lui que son dévoué valet de chambre, une fille de service
et une cuisinière. Ces deux dernières logeaient dans les combles de
la villa et n’ont rien entendu, n’ont pu donner aucun
renseignement. Le valet de chambre couchait dans une pièce
attenante à la chambre à coucher du marquis. Malheureusement,
M. de Perles eut, avant-hier, la funeste idée d’envoyer
cet homme à Paris, avec diverses commissions, en lui disant de ne
revenir que le lendemain, c’est-à-dire hier matin, voulant que tous
ses ordres fussent exécutés, et ces ordres devant entraîner un
temps considérable. En effet, des premiers interrogatoires, il
résulte que le valet de chambre ne put terminer ses commissions que
fort avant dans la nuit et qu’il a couché rue de l’Université. Les
premiers soupçons qui s’étaient égarés sur lui sont donc détruits
par cet alibi.
« Hier matin, la fille de service et la
cuisinière se remirent à leur besogne comme d’habitude. Elles ne
remarquèrent rien d’anormal dans la maison, ni porte fracturée, ni
fenêtre forcée. Il semble résulter de là que l’assassin devait être
caché dans la maison, et que, son coup fait, il est simplement
parti en escaladant le mur.
« Vers dix heures du matin, la cuisinière
étonnée de ne revoir ni le valet de chambre ni son maître, se
décida à aller frapper à la porte de la chambre à coucher. Ne
recevant aucune réponse, elle prit peur, et à tout hasard, envoya
chercher le commissaire de police de Neuilly. Ce magistrat ne tarda
pas à arriver. Il fit forcer la porte par un serrurier et
entra.
« Un spectacle effrayant s’offrit alors
aux yeux du magistrat. M. de Perles était étendu sur son
lit, les couvertures rejetées, un couteau planté en pleine
poitrine. Il n’y avait dans la chambre aucune trace de lutte. Aucun
vol n’a suivi l’assassinat. Un médecin commandé en toute hâte ne
put que constater la mort de l’infortuné gentilhomme et assura que
le décès remontait à plusieurs heures.
« La police a aussitôt commencé des
recherches
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