Fleurs de Paris
où il y
a des escarpes, pour voir de mes yeux, et raconter ensuite ce que
j’aurais vu. Comprenez-vous, dès lors, que je sois heureux d’être
tombé sur vous comme sur un guide ? Je ne connais pas les bons
endroits, moi ! Si vous voulez devenir mon compagnon de voyage
dans ma descente aux enfers, vous n’aurez pas lieu de vous en
repentir. Je vous promets de vous faire gagner de l’argent d’une
manière moins…scabreuse que celle que vous avez adoptée…
– J’ai pas besoin de votre galette !
dit brusquement Jean Nib.
– Soit ! Acceptez-vous, en principe,
de m’accorder votre collaboration ?
– Je vous dira ça demain, dit Jean Nib
après une courte hésitation.
– Demain, soit ! fit Ségalens ravi.
Mais où vous verrai-je ?
– Au bar de l’Alouette, à l’encoignure du
Sébasto, à midi tapant. Maintenant, tirez vous de votre côté, moi
du mien. Si vous ne me voyez pas arriver au bar à midi tapant,
c’est qu’y aura rien de fait. Au revoir…
Là-dessus, Jean Nib allongea le pas, sans
tourner la tête, s’enfonçant dans la nuit, vers les fortifs.
Ségalens demeura une minute à la même place, tout songeur, puis
s’en fut à son tour, tournant le dos à la route qu’avait prise Jean
Nib.
Chapitre 51 L’ESCARPE
Le lendemain, dès onze heures du matin,
Ségalens attendait avec impatience au bar de l’Alouette.
À midi tapant, comme il avait dit, Jean Nib
fit son entrée dans le bar. Ségalens le reconnut aussitôt, et vint
à lui.
– Vous êtes donc décidé, fit-il.
– Oui. Des idées qui me passent par la
tête. Le besoin de voir d’autres figures que celles que je vois
d’habitude. Enfin, puisque me voilà, c’est que je suis décidé.
– Mais pourquoi m’avoir donné rendez-vous
ici ?
– Parce qu’ici, ça n’est surveillé qu’à
partir du soir. On y est tranquille, une fois le coup de feu passé.
Ici, à cette heure, je frôle des gens qui n’ont rien à voir avec la
rousse. Je les envie. Ça me fait plaisir de les voir si
tranquilles. Et parfois, je voudrais être l’un de ces hommes qui,
après avoir bu leur tasse et allumé leur cigarette, jouissent en
paix de leur heure de repos…
Ségalens regarda fixement le rôdeur et il se
mit à interroger Jean Nib sur son passé. Mais à toutes ses
questions, le rôdeur ne fit que des réponses évasives. D’ailleurs,
leur entrevue, ce jour-là, fut assez courte. Jean Nib, dès que le
bar se fut vidé de sa cohue de clients, voulut se retirer, et
Ségalens, après avoir obtenu de lui un nouveau rendez-vous pour le
soir même, n’insista pas, de crainte de l’effaroucher.
Le soir, ils se retrouvèrent. Jean Nib se fit
le guide de Ségalens à travers les repaires de la pègre. Ségalens
était tombé sur une mine insoupçonnée, et le calepin s’enrichissait
de notes.
– Au moins M. Champenois ne pourra
pas dire que je ne lui donne pas de l’inédit…
Les jours suivants, ou plutôt les nuits
suivantes, l’association du reporter et de l’escarpe se continua
activement. Cette étrange collaboration produisit une série de
chroniques qui furent remarquées.
Une vingtaine de jours s’écoulèrent ainsi. Une
sorte de rude amitié était née dans l’esprit de Jean Nib pour ce
simple journaliste qui, dans les occasions les plus périlleuses,
montrait autant de courage et de sang-froid que lui. Ségalens
l’avait décidé à accepter de l’argent, et, scrupuleux, lui
remettait la moitié du produit de ses articles, en l’appelant mon
cher collaborateur.
D’ailleurs, ils ne s’étaient pas dit leurs
noms.
Si Ségalens appelait Nib son collaborateur,
Jean Nib l’appelait simplement son client.
Voici ce que chacun d’eux gagnait à cette
fantastique association : Ségalens y gagnait d’avoir trouvé le
guide idéal qui lui permettait de donner à l’
Informateur
cette fameuse série sur la
Pègre
. Jean Nib y gagnait
d’assurer largement la vie de Rose-de-Corail et de Marie Charmant.
Il avait payé un costume et même quelques bijoux à Rose-de-Corail.
Mais ce n’est pas tout : il y gagnait surtout de pouvoir, à
l’abri du besoin quotidien, préparer, le grand coup qu’il méditait.
La grande occasion, il la cherchait. Rose-de-Corail, mise au
courant, sentait que le moment approchait où son Jean s’enrichirait
d’un coup.
Comme nous l’avons dit, une vingtaine de jours
s’écoulèrent.
Et nous arrivons ainsi à l’époque où eut lieu
l’assassinat de Robert de
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