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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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dégoise là ?… Je
deviens maboul, c’est sûr !… Qu’est-ce que ce nom ? D’où
sort-il ?… Et où est-il passé, à c’t’heure ?… V’là que je
l’retrouve plus !… Comment qu’j’ai dit ?… J’ai dit…
voyons… j’ai rien dit, tonnerre de Dieu !… Je me suis figuré,
voilà tout !… Pas plus d’homme que sur ma main !… Mais le
bois ?… oh ! le bois y est bien, lui !… Mais non,
idiot ! c’est pas un bois… c’est un fleuve… tiens, parbleu,
c’est la Loire !…
    Pour la troisième fois, Jean Nib eut un arrêt
de stupeur et de terreur. Devant ces trois mots : le
parc
,
Barrot
, la
Loire
, il était venu se
heurter violemment, et à chaque fois, il en avait éprouvé un
terrible choc au cerveau.
    De quelles profondeurs de la mémoire
étaient-ils sortis un instant pour rentrer presque aussitôt dans le
néant des choses abolies ?…
    Ces trois mots, Ségalens les avait notés. Il
les fixait ardemment. C’étaient trois points lumineux dans le
mystère de l’escarpe, trois phares lointains au fond des
ténèbres.
    Jean Nib, d’une voix à peine distincte,
continua :
    – Tout ça, c’est ce sacré vin qui me
tourne la boule. Faut dire que c’est du fameux qu’il m’a fait
siroter… Où est-il donc ?… Tiens ! il dort !… ça lui
a tapé dans la tête, pire qu’à moi… Hé ! monsieur !…
    Ségalens ouvrit les yeux, et dit :
    – Ma foi, je sommeillais. Mais il me
semble que vous me racontiez…
    – Moi ? Rien du tout… Je battais la
campagne… Mais avec un verre d’eau il n’y paraîtra plus.
    Jean Nib saisit une carafe, et, coup sur coup,
remplit trois fois sou verre.
    – Si fait ! reprit Ségalens, en
voyant que l’escarpe reprenait toute sa lucidité, au moment où j’ai
cédé au sommeil, vous vouliez me raconter votre enfance…
    – Je la connais pas, fit Jean Nib
assombri. Tout ce que je me rappelle, c’est misère. À quoi bon
parler de ça ? Ce que je sais, c’est que j’ai jamais quitté de
Paris. Je me vois tout gosse, encore dans Paris… Lorsque je cherche
à me souvenir, la chose la plus lointaine que je vois, c’est un
boulevard ; nous étions sur la chaussée du milieu ; le
patron avait tendu une corde en carré, et il y avait du monde
autour de sa corde ; la patronne tournait la manivelle d’un
orgue placé sur une petite charrette ; par terre, il y avait
de gros poids ; moi j’étais habillé comme le patron, comme
vous avez vu les lutteurs à la foire. Après avoir jonglé avec les
poids, le patron jonglait avec moi, il me lançait dans l’air comme
une balle… Voilà ce que je me rappelle.
    – Et après ? demanda Ségalens.
    – Ah ! dame, après… Un beau jour,
j’ai eu assez d’être jeté en l’air, de recevoir des coups et de ne
pas manger à ma faim : j’ai filé. Cinq ou six ans plus tard,
j’ai revu le patron à la fête du Trône. Mais j’étais déjà costaud.
Il a regardé mes poings et n’a pas demandé son reste. J’ai fait un
peu tous les métiers. J’ai longtemps ramassé les bouts de
cigarettes, aux terrasses des cafés, pour un homme qui me donnait
dix sous par jour pour ça. Puis j’ai été associé avec un
Tond-les-Chiens. L’hiver, où je gagnais le plus, c’était d’ouvrir
les portières des voitures devant les théâtres… Je couchais où je
pouvais. Je mangeais tantôt plus qu’il ne fallait, tantôt pas
assez. Enfin, un beau jour, v’là que j’me mets dans la tête de
devenir un commerçant. Je pouvais avoir seize ans ou dix-sept ans,
alors. J’avais des économies. Ça vous épate ? Oui j’avais une
centaine de francs à moi. Sou par sou, j’y étais arrivé. Et je puis
dire qu’à cette époque-là je ne savais pas ce que c’était que de
voler. Hélas ! cela ne dura pas.
    – Et alors ? fit Ségalens, voyant
que Jean Nib se taisait.
    – Alors… alors… il est arrivé qu’il a
fallu manger, boire, vivre enfin ! Alors, il m’est arrivé
qu’au bout de trois mois passés je ne sais plus comment, un soir,
je me suis trouvé sur un banc du boulevard de Belleville, claquant
du bec et grelottant de froid. Je finis par m’endormir, et lorsque
je me réveille, je vois un homme assis près de moi. Il se met à me
parler. Je lui raconte mon affaire. Il m’emmène chez un bistro, me
fait boire et manger, puis il me conduit dans une chambre, où je
dors. Ce copain-là, c’était un grinche… c’est lui qui m’a

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