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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fabriquer aussi une hotte de
vendangeur ?
    — Je
l’ai fait déjà, dit Sarrazine avec une modestie bien imitée de fille, et sans
plus mettre son corps brun en branle, car elle sentait que, du côté de
Sauveterre aussi, ses affaires s’arrangeaient. Mais, ajouta-t-elle, il y faut
plus de temps, et des brins plus gros.
    — Dis-moi,
dit Sauveterre d’une voix sévère, pourrais-tu faire en un mois quatre
hottes ?
    — Je
le pense.
    Sauveterre
regarda mon père et, d’un seul coup d’œil, s’entendit avec lui.
    — Eh
bien, dit-il, nous bâtirons une maison où vous loger, Jonas et toi, et toi,
Sarrazine, tu nous feras quatre hottes de vendangeur par mois. Tu n’auras rien
la première année, mais au bout d’un an, nous te paierons deux sols la hotte.
    — Trois,
dit mon père.
    — Trois,
dit Sauveterre en haussant les épaules avec un peu d’humeur.
    Sarrazine
était aux anges et sautait presque de joie, quand je la raccompagnai au
châtelet d’entrée, comptant pour rien la peine gratuite de ses doigts, de ses
bras et de son dos pendant douze mois, pour avoir la joie de loger dans une
maison bâtie par son mari et dont le domaine des coseigneurs allait s’enrichir.
    On
la maria selon notre culte deux jours plus tard, puisqu’il ne fallait pas
attendre davantage, le péché de chair étant consommé. Et Sarrazine, dans les
Beunes, aussitôt se mit, les pieds mouillés d’eau froide, à couper ses brins de
saule. C’est ainsi qu’à cette date Mespech commença à vendre des hottes de
vendangeur, en même temps que les barriques de vin fabriquées par Faujanet,
commerces qui s’alliaient à merveille, et dont l’alliance ne fut pas sans
profit, si j’en juge par les comptes minutieux de Sauveterre dans le Livre
de raison.
     
     
    La
nouvelle que Montluc avait vaincu les nôtres à Vergt atteignit Guise alors
qu’il assiégeait les huguenots à Rouen. La ville était fort bien défendue par
Montgomery, ce grand et raide jeune homme à qui Catherine de Médicis avait voué
une haine mortelle parce que le tronçon de sa lance, au cours d’une joute,
avait crevé l’œil de son mari bien-aimé. Que l’accident, trois ans plus tôt,
fût complètement fortuit — Montgomery ayant couru cette dernière course
sur l’ordre exprès d’Henri II et à son corps défendant  – ne
changeait rien au ressentiment passionné de l’Italienne. Petite, boulotte, le
visage poupin, mais la mâchoire carnassière, les humiliations de son règne,
pendant lequel, même dans son propre lit, elle n’était pas la première, lui
avaient appris à dissimuler. Elle pouvait sourire de ses gros yeux dilatés à un
interlocuteur tout en projetant sa mort, mais sans rien précipiter, attendant
son heure. Celle de Montgomery avait sonné. Le huguenot paierait deux
fois : sa révolte contre Charles IX, et ce tronçon de lance qu’il
avait omis de jeter. Chaque jour, la régente descendait dans les tranchées,
bravant canonnades et arquebusades et pressant les opérations par l’exemple de
sa bravoure.
    Guise
avait destiné ses premiers coups à Orléans, mais lorsque Condé livra Le Havre à
Elizabeth d’Angleterre, en vertu de ce funeste traité d’Hampton Court qui avait
tant indigné la frérèche, il courut assiéger Rouen pour y prévenir un
débarquement anglais qui eût fort inquiété Paris. C’était compter sans le peu
d’empressement que mettait Elizabeth à honorer ses promesses, maintenant
qu’elle avait Le Havre et pouvait attendre la fin de la guerre pour l’échanger
contre Calais.
    L’armée
catholique, depuis qu’elle s’était emparée du fort Sainte-Catherine qui, du
haut de la falaise, dominait Rouen, sentait la victoire à portée de main. Elle
était commandée, en fait par Guise, en principe par les triumvirs (Guise,
Saint-André, le connétable), qui n’étaient d’ailleurs pas trois, mais quatre,
depuis que le roi de Navarre, Anthoine de Bourbon  – un des premiers
grands seigneurs, avec Condé, à se convertir à la Réforme  – avait, sur la
vague promesse de Philippe II de lui rendre la Navarre espagnole, pour la
deuxième fois abjuré, et de nouveau oyait la messe et adorait Marie. Sa femme,
Jeanne d’Albret, méprisait ses palinodies. Elle était restée dans son petit
royaume de Navarre, ferme en sa foi, dédaignant les grimaces de cour. Mais
Anthoine était une tête folle et molle, qui donnait raison au dernier qui avait
parlé, et qu’au surplus le

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