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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pense
au ciel et non aux beaux tétons que voilà.
    Ce
disant, il les effleura l’un après l’autre de son énorme index.
    — Et
pardié, il a bien tort, car plus jolie belette oncques ne vis, toute Roume que
tu sois.
    — Je
ne suis point Roume, mais Mauresque, dit la garce avec un accent de fierté. On
me nomme la Sarrazine. Cependant, je suis chrétienne.
    — Oh,
pour ça ! dit Jonas avec un petit rire, mais en baissant la voix. Quand il
s’agit de paillarder, je ne regarde pas à la religion !
    Le
ton changea quand Jonas amena l’otage dans la grande salle, où Sauveterre et
nous tous, à l’exception de Faujanet, laissé de garde sur les remparts,
réparions nos forces en mangeant pain de froment et chair salée et en buvant
notre piquette.
    — Sarrazine,
dit Sauveterre d’un ton sec en lui jetant le plus bref des regards, car
l’émotion de Jonas et des frères Siorac devant cette fille aux yeux luisants ne
lui échappait pas, tu seras peu de temps prisonnière. J’ouvrirai ta cage
après-demain à l’aube.
    — Et
bien en peine je serai de retrouver alors le capitaine des Roumes, s’écria
Sarrazine, car il ne m’a point dit où il allait.
    — Il
ne te l’a point dit ? s’écria Sauveterre en se levant à demi de son
tabouret.
    — Non,
Moussu ! dit Sarrazine en secouant sa crinière. Et c’est pour étouffer mes
cris de rage que le capitaine m’a encapuchonnée. Car j’avais bien compris que
son dessein, en me liant au poteau, était de me donner à de nouveaux maîtres
comme un chien dont on ne veut plus.
    — Et
qu’avais-tu fait pour mériter son ire ? dit Sauveterre en la dévisageant
avec sévérité.
    — Je
l’aimais trop, dit Sarrazine, et pour ce qu’il ne voulait point de moi, j’avais
tenté de le poignarder.
    — Action
fort vilaine ! dit Sauveterre. Comme la luxure dont elle était
fille !
    — Ah,
Moussu, vous avez bien raison ! dit Sarrazine, la tête baissée, mais le
téton palpitant. Aussi suis-je fort travaillée de remords et je prie tous les
jours le Seigneur Dieu de me pardonner le sang en trop qu’il m’a baillé.
    Une
prière de cette farine n’ayant pas l’heur de plaire à Sauveterre, il y eut un
assez long silence, rompu enfin par ma mère.
    — Qu’allons-nous
faire de cette garce sans pudeur ? s’écria-t-elle sur le ton le plus
véhément. (Mais elle pensait peut-être au retour de Jean de Siorac à Mespech.)
Elle ne peut point rester ici !
    — Nous
aviserons, dit Sauveterre, qui n’entendait point se laisser gagner à la main
par une femme, fut-elle l’épouse de son frère bien-aimé.
    Il
ajouta :
    — L’aube
va se lever, et j’ai devant moi une autre tâche. Jonas, poursuivit-il en se
levant, apporte-moi mon morion et mon corselet.
    Cette
tâche, c’était le rendez-vous avec Bassano, auquel il avait jusque-là hésité à
se rendre, craignant quelque traîtrise du Roume ; mais le récit de la
Sarrazine levait ses hésitations. Le Roume avait empoché les cinq cents livre
de Fontenac, les cinq cent soixante-quinze livres de Mespech, et par un trait
de ruse, qui était aussi un trait de risée, purgé sa troupe d’une meurtrière.
Gagnant sur tout, pourquoi risquerait-il sa mise ? À cette heure, se
gaussant et fort content de lui, il chevauchait au loin, à la recherche d’une
autre proie.
    Sur
sa rencontre avec Bassano, Sauveterre ne fit pas de récit, même en son Livre
de raison, et les frères Siorac, qui l’accompagnèrent, restèrent là-dessus
aussi muets que d’ordinaire.
    Au
bout d’une heure qu’ils étaient sortis, on vit revenir l’un des Siorac, qui
demanda une corde, ce qui nous donna à penser qu’un arbre allait porter un
pendu. Mais quel arbre ce fut, et comment l’affaire se passa, c’est ce que nous
ne sûmes que bien plus tard, et non point par Sauveterre, mais par notre père,
à qui Sauveterre le confia, et à qui quelques mots échappèrent au cours des
ans, et bien contre sa volonté, je pense, le secret devant rester à jamais dans
la frérèche.
    Je
n’ai point de doute en mon esprit que l’intention de Sauveterre était bien de
prendre vif Bassano et de le serrer prisonnier pour lui faire porter témoignage
contre son maître. Mais Bassano, dès qu’il vit Sauveterre dans le jour à peine
naissant, se rua sur lui l’épée haute, et avant que Sauveterre ait eu le temps
de dégainer, lui porta un coup qui l’eût occis sans le corselet qu’il avait
revêtu. Ce que voyant

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