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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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les frères Siorac, ils arquebusèrent l’assaillant et
l’étendirent roide aux pieds de l’assailli.
    Quant
à l’arbre auquel le cadavre fut pendu, ce fut le chêne qui servait aux Fontenac
dans l’exercice de leur justice seigneuriale. Il était plus que centenaire et
se dressait sur un pech, à une dizaine de toises de leur château, et
presque sous les fenêtres du donjon où logeait le maître de céans, comme s’il
eût aimé, et ses ancêtres avant lui, reposer ses yeux au spectacle des pauvres
gueux qu’il avait voués à la corde.
    Ce
que Bertrand de Fontenac pensa quand il vit au matin son majordome sanglant se
balancer sous la branche maîtresse du chêne justicier, nul ne le sut, car il ne
porta pas plainte devant les juges, et il se tut, tout comme la frérèche, ayant
fort bien compris ce langage qui se passait de mots pour dire bien ce qu’on
voulait dire, d’un château à l’autre.
     
     
    La
glorieuse nouvelle de la prise de Calais par le Duc de Guise parvint fin
janvier à Sarlat, mais il fallut attendre trois mois encore et les premières
feuilles du printemps pour que mon père revînt en son logis, sain et entier,
avec ses trois soldats.
    J’ai
quelque raison de me souvenir de la date de son retour, le 25 avril 1558, car
elle coïncida avec l’anniversaire de mes sept ans, et aussi parce que, la
veille, j’avais eu maille à partir avec François de Siorac.
    François,
en tant qu’aîné, nourrissait de grandes prétentions qu’il n’avait ni le courage
ni même la force de soutenir car, malgré ses onze ans, il était à peine plus
grand que moi et portait une mollesse aux exercices du corps qui ne m’incitait
pas au respect. Il devait sentir là-dessus sa faiblesse, car il préférait aux
entreprises violentes de Samson et de moi-même des occupations tranquilles,
comme la pêche, qui ne me plaisait guère, pour ma part, en raison de
l’immobilité qu’elle commandait. C’est à ce sujet que la dispute entre nous
éclata.
    À
Mespech, avec la Maligou, j’étais toujours le premier levé, trouvant le lit
insupportable dès que j’étais réveillé. Je fus donc bien surpris, un matin,
alors que j’avalais un bol de lait chaud dans la grande salle, de voir surgir
François qui, d’entrée de jeu, me dit d’un ton hautain  – imité de celui
que prenait parfois ma mère et qui devait être contagieux car Cathau l’imitait
aussi, mais seulement en parlant à la Maligou, car avec Barberine, elle n’eût
osé :
    — Mon
frère, mon intention ce matin est de pêcher dans l’étang. Vous m’accompagnerez.
Vous porterez mes lignes et mes seaux, vous fixerez les vers aux hameçons et
vous appâterez.
    J’avais
assuré tant de fois sous ses ordres ces dégoûtants offices, et toujours à
contrecœur, haïssant au surplus le rôle de valet où mon aîné me réduisait, que
cette fois-ci je suivis mon sentiment et dis avec fermeté :
    — Non,
monsieur mon frère (c’est ainsi qu’il exigeait d’être appelé), je n’irai point.
    — Et
pourquoi, s’il vous plaît ? dit François, le sourcil levé, l’air fier,
l’œil menaçant.
    — Parce
que je n’aime pas la pêche.
    — Peu
importe que vous l’aimiez. Vous ferez ce qu’on vous dit.
    — Non
point, dis-je en le regardant dans les yeux.
    Cette
bravade l’étonna et il fut quelque temps avant de reprendre souffle.
    — Je
suis votre aîné, dit-il enfin. Vous me devez obéissance.
    — Je
dois obéissance à mon père et à l’oncle Sauveterre.
    — Et
à notre mère, dit François.
    — Et
à notre mère, dis-je, me sentant assez coupable de l’avoir oubliée et assez
piqué que François ait remarqué mon omission.
    — Et
à moi, dit François.
    — Non
point.
    — Oubliez-vous,
dit François, que je serai un jour seigneur de Mespech, et vous, un petit médecin
à Sarlat ?
    Ceci
me blessa fort, mais je fis bonne mine et je dis aussi fièrement que je
pus :
    — Je
serai un grand médecin dans une grande ville, comme Paris, ou comme Bordeaux,
ou Périgueux.
    — Grand
ou petit, dit François avec le dernier mépris, que ferez-vous, sinon soigner
les pesteux et les vérolés ?
    — Je
ferai donc ce que fait mon père, et de son plein gré, sans même recevoir
d’argent.
    Ici,
François ne dut pas se sentir sur un terrain solide, car il revint à son projet
de pêche.
    — Peu
importent vos clabauderies. Je vous ai commandé un service en tant qu’aîné, et
vous devez me le

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