Fourier

la
banque et du commerce. En 1820, Muiron parle de lui à Fourier comme d’un homme
« qui me semble ne rêver qu’association... et doit évidemment vous aider avec
efficacité », Muiron à Fourier, octobre 1820, AN 10AS 25 (2). La question des
relations entre Briot et Fourier mériterait une plus longue étude. Voir M.
Dayet, Un révolutionnaire franc-comtois: Pierre-Joseph Briot (Paris, 1960).
    Accueil favorable aussi auprès de Mourgeon et de sa femme.
Bientôt à Besançon tout est prêt : on n’attend plus que Fourier mette la
dernière main à son ouvrage.

III
    Pendant que Muiron à Besançon cherche des appuis financiers,
Fourier continue de travailler d’arrache-pied au Grand Traité 32 . Fin 1818, il a terminé la première
partie, ou « Octave Majeure », et peut se vanter d’avoir franchi l’étape la
plus difficile de la composition. La partie qu’il lui reste à rédiger, l’«
Octave mineure », doit en effet porter essentiellement sur des branches
subsidiaires de sa théorie : la cosmogonie, la critique de la civilisation,
l’analyse des périodes de transition, ou « périodes mixtes », qui précéderont
l’avènement de l’Harmonie. Le gros des problèmes doctrinaux importants relatifs
à la pleine Harmonie a été traité dans l’« Octave majeure ». C’est là que
Fourier a entrepris d’exposer l’organisation du Phalanstère lui-même et de
présenter un exposé définitif, et exhaustif jusqu’au plus petit détail, de la
théorie de l’attraction passionnée. Il a d’abord présenté en cinq chapitres les
rudiments de la théorie. Il a caractérisé chacune des douze passions radicales,
révélant les propriétés spécifiques de chacune et « les degrés exponentiels
d’intensité » à laquelle elle est sujette. Il a esquissé le système d’éducation
qui régnera en Harmonie et présenté, quoique de manière encore élémentaire, la
théorie du travail séduisant et le fonctionnement des groupes et séries
industriels.
    Avec le deuxième livre de l’« Octave majeure », Fourier est
entré dans le royaume des harmonies « supérieures » et « la haute synthèse ».
Les sept chapitres de ce livre II sont les plus ardus de tout le traité et ce
n’est qu’avec son installation à Belley que Fourier a pu avancer enfin dans
leur rédaction. La percée décisive s’est produite en mars 1817 avec la
découverte du système des accords passionnels 33 .
Pendant les deux ans qui ont suivi, Fourier s’est presque exclusivement
consacré à l’analyse des variétés les plus complexes et subtiles de
l’interaction passionnée, des accords « transcendants » et des ralliements
nécessaires pour maintenir des séries parfaitement équilibrées. L’exposé encore
fragmentaire sur la gastronomie des Quatre Mouvements est devenu une analyse
systématique du rôle joué par la bonne chère et par la convivialité pour
favoriser l’harmonie à l’intérieur des groupes dans le nouvel ordre. Suite à sa
découverte en 1817 de la « théorie des céladonies harmoniennes », Fourier a
aussi été en mesure d’affiner son analyse des usages sociaux de l’amour 34 . Tout cela est désormais terminé ; le
manuscrit, qui remplit une multitude de carnets multicolores, comporte
plusieurs milliers de pages d’une écriture serrée. Il constitue une véritable
somme de la doctrine de l’attraction passionnée.
    L’« Octave majeure » désormais derrière lui, Fourier est prêt,
au début de 1819, à s’attaquer aux problèmes de second plan qu’il a relégués à
l’« Octave mineure » de son traité. Il prévoit de commencer par les «
approximations sociétaires », à savoir les formes intermédiaires d’organisation
de la société qui devront sans doute précéder l’avènement de l’Harmonie au sens
plein 35 . Ce sont là des problèmes
auxquels il est déjà familier. Dans les Quatre Mouvements, il avait laissé
planer une certaine ambiguïté sur les moyens par lesquels se ferait la
transition de la civilisation à l’Harmonie. Il avait affirmé que les temps
étaient mûrs pour un « saut » immédiat dans l’Harmonie. Mais il avait également
envisagé une autre éventualité : que l’humanité se trouve dans l’obligation de
passer par deux étapes de transition. La première, il l’avait baptisée le
Garantisme. Elle serait marquée par diverses réformes, dans le domaine sexuel
et commercial, qui faciliteraient le passage « par degrés successifs »