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Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
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suis bien jeune, mais ma
vie toute entière est vouée au bonheur de mes semblables et au culte du génie
qui travaille pour l’humanité. Saisi de vos grandes idées, convaincu de leur
puissance, je veux employer tous les faibles moyens que je puis avoir à vous
faire rendre justice par le monde qui vous a si longtemps méconnu. Je veux
lever le voile que l’ambition sacerdotale a jeté sur les yeux d’hommes pleins
de mérite et de dévouement. Je suis très loin d’adopter toutes vos idées,
puisque vous même n’avez pas exposé directement votre méthode, votre théorie
transcendante, non plus que l’échelle des caractères, mais par ce que j’ai
appris déjà, je suis persuadé que l’œuvre sociale la plus importante en ce
moment c’est de faire connaître votre doctrine. En conséquence je mets à votre
disposition ma parole et ma plume 36 .
    En conclusion, Lechevalier promet de faire tout son possible
pour « réparer envers [Fourier] les torts de [ses] anciens maîtres », et lui
demande audience afin de pouvoir l’interroger sur sa théorie.
    Fourier se méfie de Lechevalier. Il craint un « baiser de Judas
». Mais une telle lettre ne peut le laisser indifférent. Le 20 janvier, il
répond donc longuement, en énumérant ses diverses critiques du saint-simonisme
et en renouvelant ses accusations de plagiat 37 .
Peu après, il rend visite à Lechevalier pour débattre des questions sur
lesquelles ce dernier achoppe encore. Les disciples, quant à eux, considèrent
la conversion de Lechevalier comme un « triomphe ». Elle sera bientôt suivie de
celle d’Abel Transon.
    Il est difficile de trouver deux caractères plus opposés que
ceux de Transon et Lechevalier : autant Lechevalier est brillant, sûr de lui,
exubérant, autant Transon est frêle, nerveux, timide ; son constant besoin
d’affection et d’assurance est comblé par Claire Bazard, qui semble avoir été
une mère pour lui, et par Jules Lechevalier, qu’il idolâtre. De quatre mois
l’aîné de Lechevalier, Abel Transon est né à Versailles le jour de Noël 1805.
Major de l’École polytechnique en 1825, il travaille quelque temps comme
ingénieur des Mines. Il adhère au saint-simonisme peu de temps avant la
révolution de Juillet. Rongé par un doute et une dépression chroniques, Transon
démissionne plusieurs fois durant les années 1830 et 1831, mais Enfantin et
Lechevalier le ramènent toujours au bercail. Finalement, en janvier 1832, après
plusieurs mois de douloureuses tergiversations, Transon informe Enfantin que «
n’ayant plus foi » en la religion saint-simonienne, il a décidé de rejoindre
Lechevalier dans le camp des fouriéristes 38 .
Cette fois, la rupture est définitive.
    La nouvelle du schisme saint-simonien et du ralliement de
Lechevalier et Transon se répand comme une traînée de poudre parmi les
disciples de Fourier. Pour beaucoup d’entre eux, l'événement marque un tournant
dans l’histoire du fouriérisme. Gabriel Gabet écrit à Fourier depuis Dijon pour
le féliciter de ce « triomphe », tandis qu’à Metz l’un des camarades de Victor
Considerant se réjouit de la débâcle des saint-simoniens qui fait du Globe « la
proie de Fourier 39 ».
    L’activité de Lechevalier et Transon au début de l’année 1832
semble justifier cette euphorie : leurs premiers écrits de fouriéristes sont
explicitement dirigés contre les saint-simoniens. Dans son Simple Ecrit aux
Saint-Simoniens, une brochure datée du 1er février 1832, Abel Transon souligne
l’impossibilité pratique de la vision d’association saint-simonienne.
    Aussi longtemps que nous n’avons eu autre chose à faire
que d’annoncer une transformation religieuse de l’humanité, j’ai donné en plein
dans l’erreur générale qui nous faisait croire à tous que Saint-Simon nous
avait légué la science universelle, l’organisation de l'industrie, et la
RELIGION définitive, mais depuis que nous sommes entrés dans l'ère de
réalisation, mon illusion s’est successivement dissipée, soit par l’éveil que
m’avait donné Jules Lechevalier en se séparant, soit par la lecture des
ouvrages de Charles Fourier, soit enfin par l’impuissance où est la doctrine
[saint-simonienne] d’associer réellement les hommes, impuissance qui devenait
chaque jour plus manifeste pour moi 40 .
    Les saint-simoniens parlent de créer des associations de métiers
où tailleurs et chausseurs œuvreraient en commun et partageraient

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