Fourier

passionnée et ses idées sur le travail, sur le comportement des
petits groupes et sur l’organisation de la communauté, qu’en 1808 il a pourtant
déjà élaborées en détail*.
    * L’exposé par Fourier de l’attraction passionnée et des «
douze passions radicales d’octave » est cantonné à deux chapitres brefs et très
généraux (OC I, 72-76, 82-86). Dans la note sur les groupes et séries
passionnées qu’il place à la fin du livre (OC I, 292-306), il ne traite que de
l’organisation matérielle, repoussant toute analyse du « mécanisme » lui-même
et son mode d’opération au troisième volume. De tout le volume, pratiquement
pas un mot sur la communauté idéale de Fourier, la Phalange. L’examen des
manuscrits de Fourier, toutefois, montre clairement qu’il a déjà résolu la
plupart des problèmes essentiels et que la réticence dont il fait à cet égard
preuve dans les Quatre Mouvements est entièrement délibérée. Voir OC X, PM
(1851), 80-174 : « Formation d’une Phalange d’attraction dans laquelle
s’organisent les sectes groupées. »
    L’« Exposition » elle-même n’éclaircit guère en quoi consistent
les « quatre mouvements » du titre. Comme Fourier note allègrement dans un
post-scriptum : « Dans cet exposé, j’ai évité de toucher à ce qui concerne les
deux mouvements « animal et organique 4 ». Dans une page de définitions et une « note fort insuffisante » sur la «
hiérarchie des quatre mouvements », il apprend à ses lecteurs deux faits :
     
    1° la vie humaine, animale, organique est douée de passions
et de propriétés, régies par leurs propres lois (« mouvements ») d’attraction
et de répulsion similaires à celles que Newton a découvertes pour l’univers
matériel ;
    2° le « mouvement social », qui concerne l’interaction des
passions humaines à travers l’histoire, est la première et la plus importante
de ces quatre lois.
     
    Ce « mouvement » s’impose aux autres, de sorte que la nature
tout entière peut se lire comme un vaste hiéroglyphe, un tableau vivant, de
l’harmonie ou de la discorde entre les passions humaines à un moment historique
donné 5 . Ayant enfoui le plus
important de son commentaire sur les « quatre mouvements » loin à l’abri des
regards, dans une note en bas de page totalement absconse, Fourier se lance
ensuite dans un exposé échevelé des diverses « phases et périodes » de
l’évolution sociale, zoologique et climatique, sur « la troisième planète,
nommée Terre ». L’ensemble du processus, annonce-t-il avec une verve
pédantesque, doit comprendre quatre phases, dix-huit créations et trente-deux
périodes. Sa « durée approximative » sera de quatre-vingt mille ans, dont
environ un seizième, soit cinq mille ans, sont déjà écoulées.
    La première partie des Quatre Mouvements s’adresse, donc, aux «
studieux ». Le seconde, en revanche, vise les lecteurs « voluptueux » ou «
sybarites » (et particulièrement les femmes), à qui une série de « descriptions
» va donner un « avant-goût » des jouissances » qui les attendent en Harmonie 6 . A leur intention, Fourier dresse un
ensemble de tableaux qui font ressortir le contraste entre les « vices du
système conjugal » actuellement en vigueur dans la civilisation contemporaine
et les plaisirs amoureux, artistiques et gastronomiques que l’avenir tient en
réserve. Fourier insiste tout particulièrement sur la condition des femmes.
Cela commence par une critique en règle du système conjugal et matrimonial. «
L’extension des privilèges des femmes est le principe général de tous progrès
sociaux », note-t-il, après quoi il enchaîne sur diverses propositions
susceptibles de favoriser l’émancipation progressive du sexe féminin 7 . Ces propositions sont chacune adaptées à
l’un ou l’autre des stades de l’évolution sociale séparant la Civilisation de
l’Harmonie. Fourier, toutefois, se refuse à évoquer le mode de relations
sexuelles qui prévaudra dans le dernier stade, celui qui verra la pleine
émancipation des femmes. Ce n’est qu’à la fin de la IIe partie, lorsqu’il en
vient à ces sujets moins délicats à traiter que sont la gastronomie et les
arts, que Fourier laisse entrevoir les splendeurs de la Pleine Harmonie.
    Les deux premières parties des Quatre Mouvements offrent
quelques « aperçus » de ce que sera la vie dans l’utopie de Fourier. La
troisième, les « Confirmations », a une