Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia
Morozzi (qui nous avait déjà amplement démontré combien il savait faire preuve d’initiative) d’intercepter le messager apportant la dernière missive en date de son mari cocu à La Bella et, dans le même temps, d’enlever l’enfant de l’homme qu’il savait être en lien avec tous ceux qu’il méprisait et redoutait.
— Je suis sincèrement désolée.
Mes mots étaient d’une platitude lamentable, mais la douleur coupable qui résonnait présentement en moi n’était que trop réelle.
— Je ferai tout ce que je peux pour le retrouver sain et sauf.
Plutôt que cloué sur une croix dans une parodie grotesque de la mort de notre Seigneur, son souffle de vie en train de le quitter.
Que Dieu me vienne en aide.
Je vous dis cela littéralement. En cet instant-là, je conjurai véritablement le Tout-Puissant de me venir en aide ; mais comme d’habitude, Il devait être occupé ailleurs.
— Qui est Nando ? demanda César.
— Le fils de Rocco, répliquai-je. Il n’a que six ans.
Ne vous méprenez pas, César était bel et bien un impitoyable égoïste. Sa vie entière vient le prouver. Mais malgré tous ses défauts, il savait être à l’occasion un vrai homme – et par cela je ne veux pas dire qu’il possédait des testicules et un pénis comme le plus grossier des cochons en train de barboter dans la fange. De fait, il se souciait d’instinct des plus faibles que lui, en particulier des enfants, qu’il aimait et estimait bien plus que la plupart des adultes.
Mais en cet instant-là il était encore très jeune, et il lui manquait le fin (voire quasiment diaphane, dans son cas précis) vernis de civilité que les hommes parviennent dans la plupart des cas à acquérir, l’âge venant.
C’est ainsi qu’il dit tout haut ce que (en toute honnêteté) j’avais pensé tout bas en entendant la nouvelle de Rocco.
— Merda.
Cela soulageait quelque peu.
Peu après, nous nous retrouvâmes à fouiller frénétiquement la salle des gardes suisses, mais une fois de plus en vain. Alors nous revînmes à notre point de départ, c’est-à-dire dans la basilique.
— Je ne comprends pas, fit Rocco. Pourquoi aurait-il pris Nando ?
Nous nous tenions devant le maître-autel, non loin de là où le corps d’Innocent allait être placé peu après le début des rites funèbres. C’était une question raisonnable au vu des circonstances, mais je n’avais pas pour autant envie d’y répondre.
— Il est fou, répondis-je en espérant que cela lui suffirait.
Certes, mais il n’en restait pas moins homme : nous n’avions pas affaire ici à un mage. Pour arriver à ce que je croyais être ses fins, Morozzi allait devoir faire apparaître un enfant crucifié devant une large foule. Comment diable allait-t-il s’y prendre pour s’en tirer sans se faire repérer ?
Un enfant, une croix. Un homme seul obligé d’opérer à la fois dans un vaste espace et sous les yeux de centaines d’individus.
J’avais dû braver l’horreur du sous-sol de la basilique pour établir que Morozzi y avait en toute probabilité caché Nando brièvement. Mais de l’enfant lui-même, ou de la croix sur laquelle il allait nécessairement devoir être attaché, je n’avais aperçu aucun signe.
Mais où étaient-ils donc ?
S’ils n’étaient pas en dessous, alors…
Je regardai en l’air, vers l’obscurité dans laquelle était plongé le plafond de la basilique.
— Qu’y a-t-il au-dessus ? demandai-je.
César n’en savait rien, et les autres non plus. Mais le même prêtre qui avait osé nous défier dans la sacristie eut l’obligeance, lorsque César ordonna qu’on l’amène séance tenante devant lui, de nous fournir la réponse.
— Un grenier, dit-il d’une voix haletante. En piteux état. Personne ne va là.
— Comment fait-on pour y accéder ? insistai-je.
J’étais si fébrile que je dus me retenir de secouer le vieil homme par les épaules pour obtenir le renseignement.
Il avait beau être plus tolérant que la plupart de ses frères, qu’une femme de médiocre extraction s’adresse ainsi à lui, sans le moindre égard, était par trop insupportable. Un tic nerveux apparut au coin de son œil droit. Me lançant un regard furieux, il se détourna de moi pour s’adresser distinctement à César.
— Signore, nous sommes sur le point d’inhumer le Saint-Père ! Assurément, vous pouvez comprendre que votre présence ici n’est pas convenable, sans parler de celle de
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