Francesca la Trahison des Borgia
ne réussirions à le dépister. Nous allions avoir besoin d’une aide considérable.
— Il va falloir prévenir Rocco, suggéra Sofia.
— Et nous devons mettre son fils en sécurité, ajoutai-je. Je m’en charge.
Je n’avais pas besoin de leur expliquer la nécessité de trouver un refuge à Nando avant de pouvoir me concentrer sur Morozzi. Sofia et David étaient tous deux parfaitement conscients de la culpabilité que je ressentais encore pour avoir mis la vie de l’enfant en danger, un an plus tôt.
Quelques instants après nous dûmes mettre un terme à notre conversation, car le soleil allait bientôt se coucher et les rues menant au ghetto être fermées. David partit devant en sortant par l’arrière de l’échoppe, et disparut aussitôt dans le labyrinthe de ruelles qui rendait possible à quiconque le souhaitait de circuler en toute discrétion dans cette partie de la ville. Je savais qu’il trouverait un endroit où loger chez ceux qui, comme lui, croyaient que chaque peuple devait être prêt à se battre pour sa propre survie plutôt que de compter sur une tolérance marchandée.
Sofia me raccompagna, et fit même quelques pas avec moi. Puis elle me demanda :
— Sais-tu pourquoi Rocco n’était pas au rendez-vous ?
— Il ne m’a rien dit, mais je suis sûre qu’il avait une bonne raison.
Avec tout ce qui s’était passé je n’avais pas eu l’occasion d’y réfléchir plus avant, à dire vrai.
Sofia m’escorta jusqu’à l’entrée de la place. David n’étant plus là, son inquiétude pour moi revenait. Avant de me laisser, elle me dit :
— Tu te souviendras de ce que je t’ai dit, n’est-ce pas Francesca ? Si un jour tu souhaites parler de certaines choses qui te pèsent, tu trouveras ici une oreille attentive.
Réticente à l’idée de lui donner de faux espoirs tout autant que de la blesser, je me contentai de lui offrir un sourire et une étreinte. En quittant le ghetto, je résistai à l’envie de me retourner pour voir si elle m’observait toujours.
10
Avant de rentrer, je m’arrêtai pour acheter de quoi faire un repas simple : un peu de culatello, le jambon que les charcutiers italiens trempent dans du vin jusqu’à ce qu’il prenne une jolie teinte rouge rosée, une petite miche de pain saupoudré de romarin, une poignée de ces grosses olives des Pouilles et enfin une bonne bouteille de vin. Devant chez Portia, je posai mes paquets et frappai doucement afin de ne pas la déranger si d’aventure elle dormait. Je fus agréablement surprise de voir la partie haute de sa porte s’ouvrir. Se hissant sur son tabouret, Portia me fit un large sourire.
— Vous voici enfin, Donna. Comment s’est passée la journée ?
Pour une raison qui me semblait bien mystérieuse, Portia arborait un air pour le moins satisfait. Ses yeux noirs étaient brillants et ses joues toutes roses, sous les contusions.
Ne comprenant pas ce qui lui prenait tout à coup et, je dois le dire, enviant presque sa gaieté, je lui rétorquai :
— Bien, en somme… Je venais voir comment vous alliez.
— Ne vous inquiétez pas pour moi, Donna. Je me porte comme un charme. Allez, montez chez vous maintenant, et bonne soirée surtout !
Ayant l’intention de la passer seule avec Minerve, je ne sus que répondre et me contentai de hocher la tête. Je repris mes affaires et montai les escaliers en me demandant quelle mouche avait piqué Portia. Pour ajouter à ma perplexité, je l’entendis pouffer de rire derrière moi.
J’ouvris la porte, entrai et me dirigeai vers le garde-manger où je posai mes paquets en soupirant d’aise. Minerve était assise à côté de l’évier en pierre. Elle cligna des yeux et s’écarta lorsque je tentai de la caresser, son regard bleu azur fixé sur quelque chose derrière moi.
Je crois que je sus qui était là avant de me retourner, le sentant d’une manière que je ne saurais définir, pas plus que je ne pourrais l’ignorer. Peut-être sentis-je son odeur. Aussitôt, mon corps se tendit et une vague de chaleur m’envahit.
— César, m’exclamai-je en m’efforçant vainement de prendre un air sévère, car vraiment, de quel droit avait-il enjôlé ma concierge pour s’introduire chez moi ? À la vérité, il était décourageant de constater que même un être sensé tel que Portia ne résistait pas aux charmes du fils aîné de Borgia.
Il avait un verre à la main – l’une de mes meilleures coupes, remarquai-je
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