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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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aidée de sa voisine, quand les Indiens firent irruption dans la maison, tuèrent le nouveau-né et traînèrent les deux femmes en captivité. Elles furent remises à une famille abénaquise composée de deux guerriers, trois femmes et sept enfants, qui prit aussitôt la direction du nord. Un jeune garçon capturé à Worcester se joignit au groupe. Hannah, bien décidée à échapper à ses geôliers, forma rapidement un projet et s’assura de la complicité des deux autres. Une nuit où tout le monde dormait à poings fermés, les trois acolytes se levèrent en silence, prirent chacun une hache et l’abattirent sur leurs victimes avec une telle rapidité que personne n’eut le temps de réagir. Dix sauvages furent tués sur douze. Nos puritaines laissèrent s’échapper une Indienne gravement blessée et un jeune enfant, puis attendirent l’aube. Quand les premiers rayons du soleil pointèrent, elles enlevèrent les chevelures de leurs victimes et quittèrent les lieux. Après de longs jours de marche, elles finirent par retrouver leur village et réapparurent triomphalement, brandissant fièrement au bout de piques les dix scalps ennemis. On raconte qu’elles acquirent une telle notoriété qu’on leur offrit cinquante livres par chevelure et qu’entendant parler de leur exploit, le gouverneur du Maryland les gratifia d’un superbe présent.
    â€” Charmante histoire... et qui donne à penser que nous ne nous méfions jamais assez. Telle femme soumise et effacée peut se transformer en un rien de temps en une dangereuse furie brandissant fièrement, comme Judith, la tête décollée d’Holopherne!
    La remarque de La Hontan déclencha un chapelet de rires désabusés et de pointes cyniques sur la duplicité de la gent féminine.
    â€” Toutes des sorcières, des putains ou des hommasses, que je vous dis... renchérit Mareuil, qui était de plus en plus éméché.
    â€” Heureusement que nous sommes plus civilisés que nos voisins du Sud, enchaîna d’O. Ils ont une façon toute particulière de traiter les récalcitrantes. Croirez-vous que des femmes accusées de sorcellerie ont été récemment brûlées vives sur la place publique dans différents villages de la région de Boston?
    â€” Des sorcières brûlées vives? Ces ânes bâtés de puritains nous auraient ramené l’Inquisition en Amérique?
    Louis n’en fut pas réellement surpris. Il savait les puritains de la Nouvelle-Angleterre capables de fanatisme. L’incrédulité se lisait pourtant sur les visages qui l’entouraient. On avait peine à imaginer qu’une telle chose fût encore possible. D’O continua :
    â€” Il semblerait qu’une vague de sorcellerie se soit emparée des esprits à Salem, une petite localité située près de Boston, et se soit étendue à une grande partie du comté d’Essex et de la province du Massachusetts. Il y a quelques semaines, on a longuement flagellé la fille et la nièce d’un ministre pour s’être livrées à des tours de magie. Elles ont prétendu avoir été ensorcelées par une sauvagesse. Il n’en a pas fallu davantage pour que l’on découvre partout des sorcières que l’on s’est empressé de traîner devant les tribunaux. Le gouverneur Bradstreet, ne trouvant rien qui justifiait l’emprisonnement, les a renvoyées chez elles. Mais la nomination de Guillaume Phips comme gouverneur général a fait basculer les événements dans le sens opposé.
    Les hommes froncèrent les sourcils, intrigués. Ce nom-là leur était familier.
    â€” Oui, il s’agit bel et bien du même William Phips, celui qui a tenté de prendre Québec. Phips a fourni un appui inconditionnel à son ami Cotton Mather, un influent ministre calviniste en lutte ouverte contre les sorciers, ce qui a rapidement envenimé les choses. Mather s’en est pris à une inoffensive vieille femme, une Irlandaise pauvre et délaissée soupçonnée d’être papiste, à ce qu’il paraît, et dont le spectre aurait fustigé une femme avec des verges de fer, figurez-vous. Je le tiens de la bouche même de Saint-Castin, qui est toujours bien informé du moindre soubresaut qui

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