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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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le savez sûrement, vous qui savez tout, précisa Mareuil, le sourire en coin.
    Celui qui venait de parler était loin d’être lui-même un modèle de vertu et une sulfureuse réputation de coureur de jupons le précédait. Il était aussi reconnu pour ses blasphèmes et sa propension à lever un peu trop souvent le coude.
    â€” Je sais ce que vous répandez sur les filles du roi, La Hontan, reprit Louis. Vous les qualifiez « d’amazones de lit » ou de «troupes femelles d’assaut amoureux ». Prenez garde de ne pas confondre les ribaudes dont vous parlez avec ces bonnes filles tirées des orphelinats parisiens et triées sur le volet par nos religieuses. Elles arrivent ici pourvues d’un certificat de bonnes mœurs attestant qu’elles sont libres de toute attache et propres au mariage. Mais comme tout nouvel arrivage compte aussi son contingent de pommes avariées, certaines filles de mauvaise vie ont pu se glisser parmi le lot...
    Louis savait pertinemment qu’il y avait autant de marchandes d’amour dans la colonie que dans n’importe quelle province du royaume. Un mal nécessaire sur lequel il préférait fermer les yeux, autant pour protéger la vertu de l’honnête femme que pour permettre aux soldats de s’amuser.
    Mais la conversation était déjà repartie dans une autre direction et on riait de plus belle.
    â€” Comment d’O, reprit La Hontan, vous n’avez pas entendu parler de cette autre amazone de chez nous, la Madeleine de Verchères? Une luronne par qui je n’aurais pas aimé me faire mettre en joue. Elle fait mouche à tout coup, d’après ce que l’on raconte.
    Le chevalier haussa les épaules en signe d’ignorance.
    â€” Une fille de la région de Verchères, dites-vous? Mais que lui reproche-t-on?
    â€” Mais il ne s’agit pas de reproches. Ce serait plutôt une héroïne, si on peut se fier à ce que l’on raconte à son sujet. Oui, oui, messieurs, une héroïne, quoi que vous en pensiez.
    La remarque de La Hontan s’adressait surtout à Mareuil, qui arborait déjà une moue dépréciative.
    â€” Et qu’a donc fait cette égérie? le relança d’O.
    â€” Elle a tenu tête à l’Iroquois en commandant le fort paternel jusqu’à l’arrivée des réguliers.
    â€” Le fort paternel, dites-vous? S’agit-il d’une des filles de François Jarret de Verchères?
    â€” Tout juste, tout juste.
    â€” Et où étaient donc les soldats?
    â€” Au champ, à travailler, répondit La Hontan. On n’avait laissé au fort que deux jeunes militaires, deux vieillards et une poignée de femmes et d’enfants. La jeune fille travaillait à l’extérieur avec un engagé, un nommé Laviolette, quand elle entendit des bruits de tirs en provenance de l’endroit où étaient regroupés les troupes et les habitants. Laviolette lui cria aussitôt : « Fuyez, mademoiselle, fuyez vite! » En se retournant, elle vit des Iroquois à portée de mousquet. Ne faisant ni une ni deux, elle se précipita vers le fort et fut prise en chasse par quelques sauvages. Comme ils n’arrivaient pas à la rattraper, ils firent feu sur elle. Notre héroïne sentit les balles lui siffler aux oreilles, comme elle le raconta par la suite, mais n’en continua pas moins sa course en criant à pleins poumons : «Aux armes! Aux armes! » Elle poussa à l’intérieur du fort deux femmes affaissées sur le cadavre de leur mari et referma la lourde porte derrière elle. Puis ce fut le branle-bas de combat : elle inspecta l’étroit périmètre, aida à remonter les palissades et à boucher les interstices, quand elle réalisa que les deux soldats manquaient à l’appel. Elle les trouva dans le magasin à poudre, tellement désespérés qu’ils tenaient une allumette à la main et s’apprêtaient à tout faire sauter.
    â€” Que des mauviettes, ces soldats de malheur!
    La remarque était venue de Mareuil. Quelques autres officiers émirent des grognements d’approbation.
    â€” C’étaient des gars peu expérimentés d’à peine quatorze ou quinze ans. Et seuls avec une poignée de femmes et de vieillards... Ils ont cru la mort préférable

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