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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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pertes à signaler?
    Frontenac avait repris un ton plus détaché.
    â€” Oui, monseigneur. J’ai malheureusement perdu six hommes sur un contingent de quarante-cinq. Ils se sont... noyés... et nous n’avons malheureusement... rien pu faire... pour les rescaper. Mes hommes ont bêtement chaviré dans des rapides, à quelques lieues seulement de Montréal. De bons nageurs se sont jetés à leur rescousse, mais le courant était si violent qu’il a été... impossible... de les sauver.
    Valrennes avait baissé les yeux et sa voix s’était brisée sur ces dernières paroles. Frontenac adoucit le ton pour continuer :
    â€” Avez-vous croisé le détachement que j’ai envoyé dans l’espoir d’annuler les ordres de monsieur de Denon ville?
    â€” Nous les avons rencontrés à quelques lieues de Lachine et la majorité d’entre eux ont rebroussé chemin. Seuls quelques canots ont continué vers Onontagué.
    â€” Où sont-ils à présent?
    â€” Ils nous suivaient de près. Le commandant devrait arriver sous peu. Le reste du contingent doit attendre vos ordres à Lachine, monseigneur.
    L’officier Saint-Pierre de Repentigny, qui avait été chargé de porter à Valrennes l’ordre de démolition, s’avança à son tour et s’inclina devant Frontenac. C’était un homme fortement charpenté, plus grand que les autres d’une tête et dont le visage était aussi ridé qu’une blague à tabac. Il avait quitté Montréal sans escorte à la fin de septembre et voyagé de nuit en suivant un parcours à travers bois pour tromper l’ennemi.
    â€” Monseigneur, fit-il d’une voix résolue, je désapprouvais cette décision et je l’ai fait sentir dès l’abord à monsieur de Denonville. Je ne puis comprendre qu’un gouverneur qui vit dans ce pays et le connaît depuis quatre ans n’ait pas compris l’importance de maintenir un tel poste. L’expérience nous a pourtant fait voir les avantages qu’on pouvait en tirer pour conserver le commerce avec nos alliés qui, autrement, se seraient donnés aux Anglais il y a belle lurette. Comment n’a-t-il pas vu que la démolition du fort nous ruinerait de réputation?
    Repentigny était indigné. Le sang lui montait aux joues et intensifiait le cuivré de son teint, qui virait au brique. Il continua, en portant encore plus haut le ton :
    â€” Le simple fait que les Iroquois en aient exigé la destruction aurait dû empêcher le gouverneur de céder devant eux, ne serait-ce que pour ne pas augmenter la fierté de ces barbares et leur faire un aveu aussi évident de notre faiblesse!
    Frontenac ponctuait ces propos de petits hochements de tête affirmatifs. Il finit par laisser échapper une espèce de rugissement douloureux, comme un long sanglot surgi des tréfonds de son âme. Il avait croisé les bras et incliné la tête. Y succéda un pesant silence qu’on se garda bien de rompre; le vieux lion paraissait blessé. Il contenait difficilement une colère qu’il se promit de ne laisser éclater qu’en temps propice. Il finit par articuler, d’une voix bourrue :
    â€” En ce qui vous concerne, messieurs, je vois que vous avez obéi aux ordres avec fermeté et diligence. Vous avez fait votre devoir de soldat et personne ne vous en tiendra rigueur. Maintenant, rompez.
    * * *
    Frontenac arpentait la pièce de travail de Callières comme un prisonnier sa cellule. Il fulminait. S’il avait eu le gouverneur sortant devant lui, il lui aurait craché son fait au visage, mais Denonville avait quitté Montréal en catastrophe, la veille au soir. Comme la saison de navigation tirait à sa fin, il se hâtait vers Québec afin d’attraper le dernier bateau pour La Rochelle. Le roi le rappelait d’urgence à ses côtés pour l’aider à tenir tête à la vaste coalition qui se formait contre lui. L’Angleterre venait de prendre la tête de la ligue d’Augsbourg et de déclarer la guerre à la France. Son nouveau roi protestant, Guillaume d’Orange * , se présentait comme l’ennemi juré de Louis XIV et des papistes. Triste perspective, dont la Nouvelle-France risquait de souffrir cruellement...
    Louis savait à quel point le roi était

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