Frontenac_T1
dâarmes, en effet. Mais bon... il me semble que la douleur diminue. Espérons que vous aurez réussi à purger ce bubon maudit.
Brouat sâemploya ensuite à désinfecter la plaie en la nettoyant de guildive, ce qui fit à nouveau grimacer Louis.
Après son départ, le gouverneur enfila sa robe dâintérieur, que Duchouquet lâaida à boutonner. Il se redressa dâabord sur les genoux et se leva, un peu étourdi. Un malaise sourd persistait pourtant. «Normal, se dit-il, après un traitement aussi délicat. » Le remède de cheval de Brouat lui paraissait au moins efficace. Il nâaimait pas les indispositions qui traînaient en longueur et la maladie, sous toutes ses formes, le répugnait.
Une fois dans son bureau, il appela Monseignat et lui recommanda de finaliser les préparatifs de départ. Il quitterait Québec dès quâil aurait reçu la délégation de femmes onneioutes annoncée par le père Millet. Elles avaient été hébergées par les Hurons de Lorette et, aux dernières nouvelles, sâétaient mises en marche pour venir le rencontrer au château.
â Nous aurons bien une barque, cette fois?
â Oui, monseigneur. Nous en avons même quatre. Solides et bien étanches. Elles ne couleront pas, rassurez-vous.
Louis ébaucha un sourire. Sans trop savoir pourquoi, il se sentait extrêmement serein, allégé dâun poids insidieux. On aurait dit que le bonheur et la confiance en lâavenir lui étaient pleinement redonnés, après tous ces mois de morosité et dâangoisse diffuse. Câétait une émotion si forte quâil sâen trouva bouleversé, tout en sây abandonnant avec délectation. Il attribua ce moment de grâce à la remontée de son optimisme naturel, ainsi quâà la conjoncture particulièrement favorable.
Le péril anglais paraissait écarté et les dernières négociations avec les Iroquois donnaient grand espoir. Ce Tareha lui avait semblé fiable. Louis se croyait autorisé à rêver enfin dâune paix définitive, incluant toutes les tribus du Canada, après tant de chicaneries et de démarches infructueuses. Ce qui prouvait quâil avait encore du flair et quâil avait eu raison de se fier à son instinct. Il était sûr de voir bientôt débarquer des représentants des Cinq Nations, précédés de Téganissorens. Louis ne croyait pas leur avoir laissé dâautre choix. Découragés par le nouveau fiasco anglais en Martinique et par leur descente fructueuse chez les Agniers, les Iroquois pourraient être tentés de déposer les armes. Ils avaient essuyé tellement de revers et sâétaient tant décimés, depuis quelques années, que seule la paix pouvait leur permettre de refaire leurs forces.
Côté finances, les choses sâarrangeaient au mieux et son escarcelle serait à nouveau bien garnie, avec lâapport inattendu des six mille livres promises par le roi et lâarrivée prochaine de Tonty et de ses fourrures. Une manne providentielle qui lui permettrait enfin de reconstruire le fort Cataracoui. Et pour couronner le tout, les félicitations du ministre démontraient quâil était encore bien vu à la cour.
Côté cÅur, les choses nâallaient pas mal non plus. Non seulement chez Perrine, qui lui était tout acquise et en redemandait, mais aussi chez cette proche parente de madame de Bertou avec laquelle il sâétait trouvé de réelles affinités. Il avait si bien manÅuvré que lors de leur dernier tête-à -tête, elle lâavait laissé la serrer et explorer dâune main inquisitrice sa belle chute de rein. Par-dessus ses jupes, bien entendu, mais câétait tout de même un progrès... Il ne désespérait pas de trouver un jour avec elle lâheure du berger. Il prisait dâailleurs les conquêtes difficiles, gagnées à force de persévérance. Quelques bribes du récit courtois de Gonthier de Soignies lui remontèrent à la bouche.
â Je lui en aurais su bien meilleur gré si elle sâétait refusée, et plus tard, ou à contrecÅur, ait cédé ce que jâavais demandé. Peu ne vaut un château quâon prend en un assaut, quâil tienne, ou on le dédaigne... Comme cela est bien
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