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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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latines ou d’obscures théories sans fondement. Il était efficace et sans prétention. Quand il ne savait pas traiter, il le disait sans ambages. Mais il avait la main dure... Cet abcès bourré de pus qui bourgeonnait fâcheusement sur son arrière-train depuis des jours lui donnait du fil à retordre.
    â€” Il va finir par aboutir, monseigneur, je vous le dis. Il va aboutir.
    â€” Mais aboutissez, justement, Brouat, aboutissez, je ne demande que cela. Ça fait bien trois jours que vous vous acharnez sur ce phlegmon. Vous me l’avez enduit de pommades, de lotions désinfectantes, de dessiccatifs, vous me l’avez comprimé, ponctionné, vidé et tripoté, tordu et trituré de tous bords tous côtés, et ne voilà-t-il pas qu’il enfle de plus belle. Bougre de Dieu, le voilà gros comme une pomme, à présent! Comment vais-je pouvoir me tenir assis dans une barque et me voiturer jusqu’à Montréal avec une protubérance pareille? Faites quelque chose, à la fin!
    â€” Si monseigneur insiste, je crois bien que je vais employer les grands moyens. « Aux grands moyens les grands remèdes », ne dit-on pas?
    â€” « Aux grands maux les grands remèdes », Brouat!
    L’homme était un peu sourd et Louis était obligé de forcer la voix pour se faire entendre.
    â€” C’est ce que je disais, monseigneur.
    Ã‰tendu sur le ventre et appuyé sur le bras gauche, la chemise retroussée jusqu’à la taille, Louis commençait à s’énerver.
    Callières l’attendait à Montréal. Des dizaines de canots chargés de fourrures et conduits par Perrot et Du Lhut étaient annoncés. Il fallait qu’il y soit, tant pour accueillir les Indiens alliés que pour toucher sa part de la récolte. Il devait également récupérer le cinquième des fourrures de Tonty et de La Forest, eux aussi du voyage; c’était la condition négociée en échange du monopole qu’il leur avait fait attribuer sur la traite dans les Illinois. Il attendait impatiemment cette entrée de fonds providentielle. Une entente qui serait fort profitable aux deux parties, ainsi qu’à Lagny, l’intendant du commerce chargé des affaires en Canada et suppléant du ministre Pontchartrain. Louis lui versait secrètement pas moins du cinquième de ses profits, moyennant quoi ce dernier poussait ses idées à la cour et faisait jouer les contacts en sa faveur.
    Duchouquet, mandé par Brouat, apparut enfin.
    â€” Qu’est-ce que je peux faire?
    â€” Tenez-le bien, mon brave. On va tenter une solution de dernier secours, dit-il en replaçant ses lunettes.
    â€” « Recours », Brouat, de dernier « recours ».
    â€” C’est ce que je disais, de dernier secours. Êtes-vous prêt, monseigneur? Je vais tenter de le vider d’un coup. Ça va péter dur, mais aux grands remèdes les grands moyens, comme on dit chez nous. Vous l’entravez bien là, Duchouquet?
    â€” Autant qu’on peut entraver quelqu’un d’aussi remuant.
    â€” Mais allez-y qu’on en finisse, Brouat... mais... Ha!
    Louis faillit s’évanouir sous l’impact de la douleur. Le coup s’était abattu sur lui avec une telle force que le souffle lui manqua. Et le cœur fit mine de s’arrêter. Puis il sentit gicler un liquide chaud et visqueux.
    â€” Ça y est! Ça a tellement jailli que j’en ai plein mes bésicles. Ça, c’est du bon travail. Vous allez vous requinquer sur un temps riche, à présent.
    â€” En effet, répondit Louis dans un hoquet, je me sens aussi « requinqué » que si vous m’aviez battu à coups de rondins et assis de force dans une bassine d’eau bouillante. Mais bon Dieu, avez-vous coutume de soigner les bœufs, vous? Et avec quoi m’avez-vous asséné ce coup de grâce?
    â€” Rien qu’avec mes mains, monseigneur, fit l’autre, l’air de s’en excuser. Ou plutôt avec mon poing.
    Brouat s’esclaffa, d’un rire rond et généreux. Il essuya ses lunettes avec le coin de sa cape de laine et les remit promptement. Puis il étendit devant Louis deux mains larges et fortes qui, une fois repliées, étaient grosses comme des potirons.
    â€” Avec de pareils battoirs, vous n’avez pas besoin

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