Frontenac_T1
les jours qui suivirent, Schuyler organisa différentes séances privées auxquelles Téganissorens et dâautres chefs furent convoqués à tour de rôle. Inlassablement, ceux-ci y répétèrent tout le détail des décisions prises à Onontagué , sans rien cacher de leur ferme intention de sceller une paix durable avec Frontenac.
Schuyler se battit comme un désespéré, en agitant tantôt la carotte, tantôt le bâton, pour forcer les Iroquois à revenir sur leur position. On leur fit de grandes promesses, entre autres celle de réunir bientôt tous les représentants des colonies membres de la chaîne dâalliance afin de former un front commun militaire et diplomatique. Une condition que les sachems jugeaient indispensable et qui, à elle seule, pouvait renverser la situation. Pour les intéresser davantage, on leur promit aussi un présent du roi plus considérable que tout ce quâon leur avait alloué jusque-là . Sâils se présentaient à Albany au moment prescrit, on sâengageait à leur donner plus de cent fusils, mille livres de poudre, deux mille livres de plomb, mille pierres à feu, huit cent cinquante haches, douze douzaines de couteaux, en plus dâune grande quantité de vêtements et de provisions de toutes sortes.
Si, par contre, ils sâentêtaient à faire la paix avec les Français, leur assura-t-on, ils en paieraient le prix. Schuyler prit soin de bien agiter le spectre de la guerre.
Quand les délégués finirent enfin par sâentendre sur une position commune, ils voulurent la présenter aux Anglais. Le conseil des affaires indiennes fut donc à nouveau convoqué.
* * *
Lâassemblée sâouvrit sous un clair ciel dâautomne, lisse comme un miroir. Un soleil éclatant sâinfiltrait par toutes les fenêtres de la salle du conseil et baignait la pièce dâune lumière aveuglante. En dépit de lâheure matinale, tout le monde était à son poste. Les Iroquois commençaient à trépigner dâimpatience et nâavaient pas caché à Schuyler leur désir de rentrer chez eux. On avait beaucoup discuté de part et dâautre et il fallait en finir. Les membres du comité des affaires indiennes nâétaient pas fâchés non plus dâarriver au terme dâune série de rencontres qui les avaient tenus sur la brèche pendant dix jours.
â Frère Quider, tu as fermé le chemin du Canada et nous lâacceptons, déclara dâentrée de jeu Téganissorens.
Schuyler ébaucha un large sourire. Il était soulagé et se félicita de voir ses alliés revenus à de meilleurs sentiments.
â Après mûre réflexion, nous acceptons de nâavoir aucun contact avec les Français et de nâenvoyer aucun député en Canada jusquâà ce que tu nous convoques à nouveau ici même, avec Cayenquirago. Nous dirigerons vers toi tout ambassadeur français envoyé chez nous et toute lettre en provenance du Canada. Jâai cependant une requête à tâadresser.
â Parle sans crainte, mon frère. Si elle nâest contraire ni à la sécurité ni à lâhonneur, elle sera acceptée, lui répliqua le maire dâAlbany.
â Nous voulons que tu envoies un messager avec le nôtre aux Indiens christianisés du Canada pour leur dire que nous ne pourrons pas aller à Québec, puisque tu nous as convoqués au même moment à Albany. Nous voulons leur donner aussi lâassurance que nous retiendrons notre hache de guerre aussi longtemps quâOnontio le fera. Si tu ne peux pas, nous voulons quâon mette ce message par écrit et quâon le leur envoie.
â Je verrai cela plus tard avec mes pairs. Continue, se borna à répondre Schuyler.
â Nous avons décidé, reprit lâOnontagué, dâenvoyer trois ceintures de wampum aux christianisés. La première porte le message de notre absence, la seconde offre la liberté aux Français de venir négocier à Albany en toute sécurité, et la troisième leur donne quarante jours pour apporter une réponse.
Et Téganissorens étala devant lui les trois ceintures de porcelaine. Elles étaient tissées de façon traditionnelle avec des perles pourpres et blanches, savamment entremêlées.
Le major serra les
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