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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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apprit que douze nations outaouaises avaient signé un traité de paix avec les Tsonontouans, auquel elles demandaient aux autres nations iroquoises de se joindre, en y incluant leurs frères de la Nouvelle-York.
    Otasseté tressaillit. Le spectre tant redouté d’une triple alliance entre les tribus des Grands Lacs * , jusque-là alliées des Français, les Iroquois et les Anglais se dessinait sous ses yeux et il ne pourrait pas l’empêcher.
    L’autre se mit à réciter les paroles des Outaouais, qui étaient venus en délégation et se pressaient autour de lui en opinant d’abondance à chacun de ses énoncés.
    â€” Nous sommes venus pour ne plus faire qu’un seul corps avec vous, nous sommes venus pour apprendre de vous la sagesse, pour l’apprendre aussi de vos frères des autres nations et de vos frères anglais. Que notre amitié dure aussi longtemps que le soleil, que la pluie du ciel nettoie à jamais toutes nos haines accumulées. Nous nous lavons les mains des mauvaises actions d’Onontio et jurons de ne plus jamais nous abaisser à l’appuyer. Et nous jetons à terre la hache de guerre qu’il a placée dans nos mains.
    Ce disant, l’Iroquois lança sa hache sur le sol et se mit à esquisser des pas de danse en tournant autour. D’enthousiasme, plusieurs entrèrent à leur tour dans la ronde et se mirent à sautiller au même rythme, dans un ballet d’une insolite beauté où tous les hommes se courbaient puis se redressaient au même moment, brandissant le casse-tête et psalmodiant leurs sassakouez , ces cris et tirades syncopées à la mode indienne.

6
Montréal, hiver 1690
    Les deux officiers, crottés et empestant comme des putois, les yeux enfoncés dans les orbites et la peau collée aux os, tenaient à peine sur leurs jambes. Ils se mouraient de fatigue et de faim, alors que Callières s’entêtait à les bombarder de questions.
    Â«Â Que ne nous refile-t-il d’abord un croûton de pain et un pichet de vin! » se dit Pierre d’Iberville, se sentant aussi faible qu’un poussin au sortir de l’œuf. Son compagnon, Le Ber, s’étant trouvé mal, il avait dû le porter sur son dos pendant des heures, dans un froid de février si tranchant qu’on aurait dit que le sang se glaçait dans ses veines.
    â€” Monseigneur, se résigna-t-il enfin à demander, nous n’avons rien avalé depuis des jours. Peut-on nous donner le boire et le manger?
    â€” Certes, fit Callières en s’extirpant de sa réflexion.
    Il donna un ordre à un majordome qui s’en fut aux cuisines d’un pas alerte.
    â€” Vous disiez donc, monsieur d’Iberville, que le retour avait mal viré? Les Iroquois, que vous avez épargnés volontairement à Schenectady * , auraient alerté les Anglais d’Albany et se seraient joints à eux pour s’abattre sur les nôtres?
    â€” Oui, monseigneur. Un habitant du bourg a échappé au massacre et a gagné Albany, où il a donné l’alerte. Ce n’est que plus tard que les trente Agniers trouvés sur place, d’abord faits prisonniers puis libérés, ont rallié des troupes d’Albany et se sont lancés à nos trousses. Avec les chevaux pris aux Anglais, et malgré nos prisonniers, nous avons distancé rapidement nos poursuivants, mais quand nos hommes se sont arrêtés pour abattre quelques montures afin de nous nourrir, un gros contingent de sauvages et d’Anglais nous est tombé dessus à l’improviste. Ils ont fauché quinze de nos meilleurs éléments.
    â€” Pourquoi diable avoir libéré ces Agniers?
    â€” C’est monsieur de Frontenac qui l’a exigé, avant notre départ de Québec.
    Callières grimaça. Quinze tués, c’était une perte énorme.
    â€” Et pourquoi vos hommes ont-ils été rattrapés, monsieur d’Iberville?
    La question était pertinente et méritait qu’on s’y attarde, mais le moment était mal choisi. Les deux officiers étaient épuisés et n’aspiraient qu’à manger et dormir. Le temps des bilans viendrait plus tard. Mais Callières ne pouvait s’empêcher de penser qu’on avait dû négliger l’ordre de marche. Le choix des mots et le ton de voix laissant supposer

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