Furia Azteca
s'étalait à la surface du lac, comme toujours, mais jamais plus on n'y entendrait " le tintement des clochettes ", et personne ne s'en soucierait. Seigneur Héron Rouge, Seigneur Joie, mon père, ma mère, Chimali, Tlatli et tous les habitants de l'île, l'avaient déjà oubliée.
Tous, sauf moi.
" Tiens, Tête Haute ! " s'écria la Dame de Tolan, la 253
première personne que je rencontrai en regagnant mon appartement au palais.
" Tu es déjà de retour ?
- Oui, Madame. Je ne me sens plus chez moi à Xal-toc‚n et j'ai beaucoup à
faire ici.
- Est-ce que tu aurais la nostalgie de Texcoco, par hasard, me dit-elle en souriant. C'est que tu nous apprécies alors. J'en suis très heureuse, Tête Haute.
- Je vous en prie, Madame, dis-je, d'une voix altérée. Ne m'appelez plus ainsi. J'en ai assez des têtes hautes.
- Ah bon ", dit-elle. Son sourire disparut tandis qu'elle examinait mon visage.
" Comment veux-tu qu'on t'appelle alors ? " Je pensai à tout ce qui m'attendait et je lui répondis : " Le nom que j'ai reçu d'après le livre des prophéties est Tlilectic-Mixtli. Appelez-moi Nuage Noir. "
1RS
* A.I.M.C.
A Son Auguste et Impériale Majesté Catholique, l'Empereur Charles quint, Notre Roi : A Sa Très Haute et Très Puissante Majesté, notre Souverain : de cette ville de Mexico, capitale de la Nou-^velle-Espagne, le jour de la Fête des Douleurs, de année de Notre Seigneur mille cinq cent vingt-neuf.
Nous sommes au regret de ne vous pouvoir joindre à fcee dernier envoi de pages manuscrites les dessins que fVotre Majesté réclame dans sa dernière lettre, " ces designs de personnes, principalement du sexe féminin, exéCutés par notre conteur et dont il est question dans son i "écit ". Ce vieil Indien, lui-même, quand on lui a demandé o˘ ils étaient, a ri à
l'idée qu'il aurait pu iserver pendant tant d'années des pochades aussi sntes qui, même si elles avaient eu une valeur quel-ŒConque, auraient peu de chance d'exister encore.
Nous ne regrettons pas la perte de ces obscénités, NStant assurés que, même si ces dessins avaient été disponibles, ils n'auraient pas pu intéresser Votre Majesté. Nous savons que Notre Impérial Souverain est habitué à voir des ouvres d'art comme celles de Maître Matsys, dont le portrait d'Erasme est si ressemblant. Les personnages que les Indiens représentent dans leurs barbouillages sont rarement reconnaissables, même comme êtres humains, à
l'exception de quelques fresques et bas-i reliefs.
Votre Très Haute Majesté avait demandé à son chape-t Jain de rassembler des
" écrits, tablettes et autres témoignages ", pour appuyer le récit des pages précédentes. Mais Sire, j'affirme que cet Aztèque exagère beaucoup quand il parle d'écriture, de lecture, de dessin et de peinture. Ces sauvages n'ont jamais rien créé, ni possédé
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ou conservé aucun souvenir écrit de leur histoire, à part quelques livres faits de feuilles pliées, des peaux ou des panneaux recouverts d'une multitude de dessins primitifs, dignes des gribouillages d'un enfant. Ils sont incompréhensibles à tout oil civilisé et ne servaient aux Indiens que d'aide-mémoire pour leurs " sages ", quand ils racontaient l'histoire de leur tribu ou de leur clan, histoire qui est très sujette à caution.
Avant l'arrivée de votre serviteur sur cette terre, les frères franciscains envoyés cinq ans auparavant par Sa Sainteté le défunt Pape Adrien, avaient déjà ratissé toute la région qui entoure la capitale. Ces bons frères ont récupéré, dans les édifices encore debout, des milliers de " livres "
indiens qui auraient pu constituer un fonds d'archives, mais ils n'avaient pris aucune disposition à leur sujet, en attendant des ordres supérieurs.
En tant qu'évêque appointé par Votre Majesté, nous avons examiné
personnellement ces " bibliothèques " confisquées et nous n'y avons trouvé
que des dessins criards et grotesques et même cauchemardesques, pour la plupart : bêtes sauvages, monstres, faux dieux, démons, papillons, reptiles et autres créatures tout aussi vulgaires. Certains dessins sont censés représenter des êtres humains, mais - comme dans cet art absurde que les Bolognais appellent caricatura - les hommes ne se distinguent ni des cochons, ni des ‚nes, ni des gargouilles ou de ce genre de choses que l'imagination peut inventer.
…tant donné qu'il n'y a pas une seule ouvre o˘ l'on ne voie la marque de superstitions et de
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