Furia Azteca
elle veut bien se donner la peine d'examiner ces livres. Votre Excellence le trouvera également décrit dans les annales des autres pays ainsi que dans les récits 270
populaires. En effet, tout le monde se souvient encore de ce scandale et les femmes en particulier.
Nezahualpilli avait invité les chefs des nations voisines, ainsi que les sages tlamatini et les tecuhtli des provinces les plus reculées, à venir assister au procès. Il les avait également priés d'amener leurs épouses avec leurs suivantes, afin de démontrer publiquement que même une femme du plus haut rang ne pouvait se permettre de pécher impunément. Mais il avait aussi une autre raison. L'accusée était la fille du chef le plus puissant de tout le Monde Unique, le belliqueux et querelleur Ahuizotl, Orateur Vénéré des Mexica. En l'invitant avec les plus importantes personnalités des autres pays, Nezahualpilli voulait aussi prouver dans quelle absolue impartialité se fééroulaient les débats. C'est pour cette même raison iqu'il ne prit pas parti pendant le procès et qu'il délégua P'interrogatoire des défenseurs et des témoins à deux ^personnes qui n'étaient pas directement concernées : ^Seigneur Os Fort, son Femme-Serpent et un juge tlama-Ôr‚ni du nom de Tepitzic.
La Cour de justice de Texcoco était pleine à craquer. ; fut, sans doute, le plus grand rassemblement de chefs amis, neutres ou ennemis - qui ait jamais eu lieu. fSeul Ahuizotl était absent. Il lui était impossible de S'exposer à la honte, à la pitié ou aux railleries de tous, endant qu'on dévoilerait impitoyablement l'infamante iuite de sa fille. Il envoya à sa place le Femme-iSerpent de Tenochtitl‚n. Parmi les autres seigneurs pré-˚lénts, il y avait le gouverneur de Xaltoc‚n, Héron Rouge, le père de Pactli. Il endura son humiliation, la tête basse, pendant tout le procès. Les rares fois o˘ il T releva son pauvre regard larmoyant, ce fut pour le poser moi.
Peut-être se souvenait-il d'une remarque qu'il m'avait faite, si longtemps auparavant, au sujet de mes Llmbitions enfantines : " quoi que tu fasses, jeune homme, je crois que tu le feras bien. "
Les interrogatoires se prolongèrent indéfiniment. Ils ifbrent détaillés, pénibles et souvent répétitifs. Je ne rap-, porterai à Votre Excellence que les questions et les ^iéponses les plus intéressantes. Les deux principaux J accusés étaient, bien s˚r, Poupée de Jade et Seigneur 271
Joie. C'est lui qui fut appelé en premier. Il arriva tout p‚le et il tremblait en prêtant serment. Les juges lui posèrent la question suivante :
" Pactlitzin, les gardes se sont emparés de votre personne alors que vous vous trouviez dans l'aile du palais attribuée à sa royale Seigneurie Chalchihuinenetzin. C'est un délit majeur pour un homme de pénétrer sans autorisation et sous quelque prétexte que ce soit, dans des lieux réservés aux dames de la cour. Le saviez-vous ? "
La gorge serrée, il répondit d'une voix faible : " Oui. " II venait de prononcer sa propre condamnation.
Puis, ce fut le tour de Poupée de Jade et parmi les questions innombrables qui lui furent posées, il y en eut une qui plongea l'assistance dans la stupeur. Le juge Tepitzic lui demanda :
" Madame, vous avez reconnu que ce sont les employés de vos cuisines qui ont tué vos amants et qui ont fait subir aux squelettes un processus de conservation. Nous pensons qu'aucun esclave, même le plus vil, n'aurait pu accomplir une telle besogne, à moins d'y avoir été fortement contraint.
quels moyens de persuasion avez-vous employés ? "
Avec une voix de petite fille, elle répondit : " J'avais posté mes gardes dans la cuisine, pour qu'ils veillent à ce que personne ne puisse absorber aucune nourriture. Mes serviteurs ne go˚taient même pas les plats qu'ils préparaient pour moi. Je les ai affamés jusqu'à ce qu'ils acceptent de faire ce que je leur avais ordonné. quand ils l'eurent fait une première fois et qu'ils se furent rassasiés, je n'ai plus eu besoin de recourir ni à
la persuasion, ni à la menace, ni à mes gardes. "
Le reste de ses paroles se perdit dans un brouhaha général. Cozcatl, mon petit esclave, se mit à vomir et on dut le-faire sortir un moment. Je comprenais très bien ce qu'il ressentait, car j'avais moi aussi la nausée.
Nos repas provenaient des mêmes cuisines.
Je fus appelé ensuite comme principal complice de Poupée de Jade. Je fis un récit détaillé de toutes les
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