Furia Azteca
un voile évanescent. Jamais je ne me suis levé plus vite et en un seul bond, je me retrouvai près des cendres du feu de camp, en hurlant si fort que tout le monde fut debout en un rien de temps.
Cependant, dans la jungle, tout n'est pas horrible, menaçant et malsain, quand on prend les précautions essentielles. La forêt sait être belle et hospitalière. Le gibier est facile à capturer ; beaucoup de plantes peuvent servir de légumes et même certains des plus monstrueux champignons ont un go˚t délicieux. On y trouve également une liane grosse comme le bras, qui semble aussi dure et cassante que la terre cuite ; mais coupez-en un morceau et vous verrez qu'à l'intérieur elle est aussi poreuse qu'un rayon de miel ; secouez-la, et il en coulera généreusement une eau fraîche et sucrée. quant à la beauté de cette forêt, je ne vous parlerai pas de ses fleurs éclatantes, sauf pour vous dire que parmi les milliers et les milliers qui existent, je ne me rappelle pas en avoir vu deux qui avaient la même forme ou la même couleur.
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Les oiseaux les plus somptueux sont des variétés de quetzal aux couleurs splendides, avec des crêtes et des plumages de toutes sortes. Il est très rare de voir le plus magnifique et le plus prisé de tous ces oiseaux, le quetzal qui a une queue de plumes émeraude, aussi longue qu'une jambe d'homme. Cet oiseau est aussi fier de son plumage que le gentilhomme qui s'en parera ensuite. C'est du moins ce que m'a dit une jeune fille maya qui s'appelait Ix Ykoki. Elle prétendait que le quetzal tototl b‚tit un nid ovoÔde, unique chez les oiseaux, parce qu'il possède deux entrées ; ainsi l'oiseau peut entrer d'un côté et sortir de l'autre sans avoir à se tourner et risquer d'abîmer une des splendides plumes de sa queue. Toujours d'après Ix Ykoki, il paraît que le quetzal ne se nourrit que de baies et de petits fruits qu'il arrache des arbres et des plantes en passant et iljes mange en volant, au lieu de se percher confortablement sur une branche, pour que le jus ne coule pas sur son beau plumage.
Puisque je viens d'évoquer Ix Ykoki, j'en profite pour vous dire qu'à mon avis, ni elle, ni aucun des indigènes de l'endroit, n'ajoutait quoi que ce f˚t à la beauté de ce pays. Selon les légendes, les Maya avaient connu autrefois une civilisation bien plus riche, bien plus puissante et bien plus prestigieuse que Jes Mexica ; d'ailleurs, ce qui reste de leurs villes est une preuve incontestable de la véracité de ces récits. Ils ont aussi appris certains arts et techniques directement des incomparables Toltéca, avant que ces Maîtres Artisans ne disparaissent. Les Maya vénèrent de nombreuses divinités des Toltéca que les Mexica se sont également appropriées. Ils appellent Kukulk‚n le bienfaisant Serpent à plumes, quetzalcoatl, et ils donnent à notre dieu de la pluie Tlaloc le nom de Chac.
Au cours de cette expédition et de mes voyages ultérieurs, j'ai eu l'occasion de voir les ruines de nombreuses cités maya et il est indéniable qu'elles devaient être particulièrement imposantes. Sur les places et les cours désertées, on voit encore d'admirables statues, des bas-reliefs en pierre sculptée, des façades richement décorées et même des peintures dont les couleurs éclatantes
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ne sont pas ternies, depuis les faisceaux et les faisceaux d'années qu'elles ont été exécutées. Un détail des édifices maya m'a beaucoup frappé
- la forme en arc des embrasures de porte - que nos architectes modernes n'ont jamais essayé d'imiter, peut-être parce qu'ils n'en sont pas capables.
Il a fallu des générations d'artisans et d'artistes et beaucoup de travail, de soin et d'amour pour édifier ces cités magnifiques. Rien n'indique qu'elles aient été assiégées par des armées ennemies ou qu'elles aient été
victimes de catastrophes naturelles et pourtant, leurs milliers d'habitants les ont quittées pour une raison inconnue. Leurs descendants sont si ignorants et si indifférents à l'égard de leur propre histoire qu'ils ne savent même pas pour quelle raison leurs ancêtres ont déserté ces villes et pourquoi ils ont laissé la jungle s'en emparer, et ils sont incapables d'émettre une supposition plausible à ce sujet. Les Maya d'aujourd'hui ne sont pas en mesure d'expliquer pourquoi ils se sont résignés à vivre dans de misérables villages autour de ces villes fantômes, alors qu'ils sont les héritiers de tant de grandeur.
Le vaste
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