Furia Azteca
jour que Zyanya et Béu l'avait emmenée avec elles au marché, un Totonacatl vit le sourire de Cocôton émerger du ch‚le dans lequel Béu la portait et il leur demanda la permission de faire son portrait en terre cuite. C'était un de ces artistes itinérants qui fabriquent des quantités de figurines avec des moules et qui parcourent le pays pour les vendre à bas prix aux gens pauvres des campagnes. Il exécuta sur place un habile portrait de Cocôton et après l'avoir utilisé pour faire son moule, il vint offrir l'original à
Zyanya. Il n'était pas absolument ressemblant et de plus, il y avait ajouté
la coiffure évasée à la mode chez les Totonaca, mais je reconnus immédiatement le sourire contagieux de ma fille avec ses fossettes.
J'ignore le nombre de copies qu'il en a tirées, mais j'ai très longtemps vu des petites filles jouer partout avec ces poupées. Même des adultes l'ont achetée, pensant qu'il s'agissait de Xochipilli, le jeune dieu rieur, Seigneur des Fleurs, ou de l'heureuse déesse Xilonen, mère 626
du dieu du Jeune MaÔs. Je ne serais pas étonné qu'il existe encore, ça et là, quelques-unes de ces figurines, mais j'aurais le cour brisé d'en voir une maintenant car elle me rappellerait le sourire de ma fille et de ma femme.
Vers la fin de sa première année, quand Cocôton eut percé sa première petite dent en grain de maÔs, on la sevra à la manière ancestrale des Mexica. quand elle pleurait pour réclamer à téter, sa bouche rencontrait de moins en moins souvent le doux sein de Zyanya, mais une feuille amère qui le recouvrait. Aussi, peu à peu, Cocôton s'habitua à prendre à la place des purées légères comme l'atolli et elle finit par abandonner le sein. C'est à
ce moment-là que Béu nous annonça que sa présence n'était plus nécessaire et qu'elle allait retourner dans son auberge puisque Turquoise pouvait facilement s'occuper de l'enfant quand Zyanya serait fatiguée ou occupée à
autre chose.
Je demandai une nouvelle fois aux sept soldats que j'avais fini par considérer comme ma petite armée personnelle de lui servir d'escorte et je les accompagnai jusqu'à la digue.
" Nous espérons que tu reviendras, sour Béu ", lui dis-je, bien que nous e˚mes déjà passé une grande partie de la matinée à nous faire des adieux.
Elle nous avait offert de nombreux cadeaux et les deux femmes avaient versé
beaucoup de larmes.
" Je viendrai toutes les fois qu'on aura besoin de moi, me dit-elle. Ce sera plus facile pour moi maintenant que j'ai déjà quitté Tehuantepec une première fois. Mais je ne crois pas que ma présence sera à nouveau nécessaire. Je n'aime pas reconnaître avoir eu tort, Z‚a, mais l'honnêteté
m'oblige à admettre que tu es un bon mari pour ma sour.
- Ce n'est pas bien difficile. Le meilleur des maris est celui qui a la meilleure des épouses. "
Elle me demanda alors, d'un ton un peu railleur :
"Comment peux-tu le savoir, tu n'en as épousé qu'une. Mais, dis-moi, Z‚a, ne t'es-tu jamais senti attiré par... par d'autres femmes ?
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- Oh, si, bien s˚r. Je suis un homme, et il existe d'autres femmes excitantes, comme toi Béu. Je suis même parfois attiré par des femmes moins belles que toi ou Zyanya, par simple curiosité des app‚ts qui se cachent sous leurs vêtements ou des pensées qu'il peut y avoir derrière leur sourire. Mais en neuf ans, je ne suis jamais passé de l'idée à l'acte et le fait de dormir à côté de Zyanya me les fait oublier, aussi je n'en rougis pas. "
Je me h‚te d'ajouter, mes révérends, que les catéchistes chrétiens m'ont appris depuis qu'une pensée libertine peut être aussi coupable que la fornication la plus débridée. Mais, à l'époque, je n'étais encore qu'un paÔen, comme tout le monde, aussi les caprices que je ne mettais pas à
exécution ne troublaient pas plus ma conscience que celle de mes congénères.
Béu me lança un regard en coin et me dit : " Tu es déjà Chevalier-Aigle ; il ne te reste plus qu'à ajouter un "tzin" à ton nom. quand tu seras noble, tu n'auras pas besoin de te priver de tes désirs les plus secrets. Zyanya ne verra pas d'objection à être ta première épouse, si elle accepte les autres. Tu auras toutes les femmes que tu désires.
- Je les ai déjà, lui répondis-je en souriant. Ce n'est pas pour rien qu'elle s'appelle Toujours. "
Béu tourna les talons et, sans regarder une seule fois derrière elle, elle partit sur la digue.
Ce jour-là,
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